La conjugaison du droit pénal et du droit fiscal a le vent en poupe. Ce n’est pas Arnaud Delmas, qui intervient dans des dossiers de droit pénal général et de droit des affaires, qui dira le contraire. "L’opinion publique ne tolère plus les infractions fiscales conduisant les gouvernements successifs, y compris pour des raisons budgétaires, à qualifier de fraude fiscale ce qui se résolvait auparavant par un redressement fiscal. C’est une matière qui a de l’avenir", souligne le collaborateur d’Emmanuel Marsigny et Cyril Gosset. Et, avec la fin partielle du verrou de Bercy (c’est-à-dire le monopole du ministère du Budget en matière de poursuites pénales pour fraude fiscale), "on s’attend à un doublement des poursuites pour fraude fiscale."
Mais l’avocat de 35 ans estime que l’on ne peut pas être un bon pénaliste si l’on se cantonne à une seule spécialité. "Il faut aussi faire du pénal général. En pénal fiscal, les juridictions sont de plus en plus répressives. Les procureurs, quant à eux, s’ils avaient moins le réflexe de la détention que dans d’autres domaines du droit pénal, n’hésitent aujourd’hui plus à la requérir et sont parfois suivis", rapporte celui qui est inscrit sur les listes de commission d’office pour rester confronté au pire. Dans le dossier Cahuzac, l’ex-ministre du Budget a échappé à la prison mais la fraude qu'il a commise a été à l’origine de la création du parquet national financier (PNF) il y a cinq ans. Depuis, il prend de plus en plus de poids.
Plaider et négocier
D’ailleurs, la plaidoirie est l’une des clefs pour éviter que la machine judiciaire n’écrase parfois les clients. Arnaud Delmas aime cet exercice et adapter son discours à ce qu’il appelle les "instants d’audience". Mais attention à ne pas privilégier la forme au détriment du fond. "Il arrive que soient confondues conclusions et littérature, alors qu’on est là avant tout pour convaincre." Une conviction qui fait écho au goût prononcé de l’avocat pour la littérature du XVIIIe : "Très claire, précise, simple mais qui transmet des choses idées extrêmement profondes."
Arnaud Delmas constate également le développement de la justice négociée. Laquelle évite un certain nombre de déboires, comme la lenteur et l’imprévisibilité des décisions de justice, mais demande aux pénalistes de savoir entretenir un dialogue avec le fisc. Ce qui a été pendant longtemps l’apanage des confrères spécialisés dans l’administratif, qui sont d’ailleurs souvent apporteurs d’affaires dans les dossiers pour fraude.
Un parcours complet
Arnaud Delmas a toujours su qu’il voulait revêtir la robe. Passionné de politique et d’économie, c’est naturellement qu’il se tourne vers le droit des sociétés à Assas Melun. Après ce premier cycle en parallèle d’un cursus à l’Institut de droit des affaires, il intègre le master fiscalité internationale Assas/HEC. Il effectue ensuite un stage en banque d’affaires à Londres et un autre en fiscalité transactionnelle chez EY, avant de rejoindre pendant un an la direction fiscale de Lafarge, puis d’intégrer Sciences Po Paris.
À cette époque, l’envie de plaider se fait sentir et Arnaud Delmas décide de passer par les fusions-acquisitions pour acquérir une vision plus généraliste du droit des affaires avant d’opérer un basculement vers le contentieux commercial puis le droit pénal. Ce qu’il fera chez Gide, puis Hogan Lovells et Metzner, où il rencontre Emmanuel Marsigny. En 2010, il prête serment et rallie le cabinet de Jean-Yves Le Borgne et Christian Saint-Palais. Il y travaillera pendant cinq ans sur l’affaire EADS, qui consacrera le principe non bis in idem – selon lequel une personne ne peut pas être poursuivie deux fois pour des faits similaires. Une affaire médiatique qui donnait un aperçu des réactions épidémiques que provoquent certains dossiers sur l’opinion publique. La tendance ne fait que s’alourdir confirmant dès lors le caractère judicieux du choix d’Arnaud Delmas de conjuguer notamment pénal et fiscal.