Réforme de l’examen d’entrée aux écoles du barreau : plus d’égalité sur tout le territoire[1] , même si on regrette l’absence de correction croisée au niveau national et d’une note éliminatoire au Grand Oral « tant la conventionalité et la constitutionalité sont au cœur de la pratique quotidienne de l’avocat ». On recommande la présence à parité des avocats avec les Universitaires dans les jurys : après tout c’est la profession qui réalisera le service après-vente des confrères en difficulté ! Mais personne n’est choqué par la suppression de la fiscalité aux épreuves de cas pratique et de procédure ! Le droit des affaires et le droit social couvrent cette part dynamique du marché du conseil à l’entreprise qui motive tant les Legaltech et les experts comptables ? Les programmes très volumineux du CRFPA ne le permettent pas ! Pourtant, la mobilité fiscale en droit social, les liens étroits entre fiscalité et droit des affaires, droit civil, droit européen, droit international et même droit pénal projettent la fiscalité au cœur de la pratique quotidienne de l’avocat d’affaires.
Cet oubli répété[2] va rapidement provoquer un assèchement de la compétence fiscale en France. La philosophie du CRFPA nouveau pousse à choisir la matière d’option avec laquelle vous êtes le plus familier. Un étudiant de Licence, même s’il découvre la fiscalité durant un semestre, choisira une formation en droit des affaires ou en droit social pour plus facilement couvrir le programme de son option au CRFPA. Le choix des matières fiscales en M1, comme la spécialisation en M1 et/ou M2 seraient autant de temps consacrés « en dehors » des options du CRFPA, limitant les chances de réussite. Ce déséquilibre créé donc une inégalité devant l’examen mais aussi après!
La formation sélective construite en alternance pour l’EFB[3] cette année propose de faciliter le début de carrière du jeune avocat. Une centaine d’heures d’ateliers pratiques, autant de travail personnel, un stage toutes les après-midi pendant six mois, une vie associative riche … . Si demain les étudiants ne bénéficient pas d’une possibilité de spécialisation fiscale en M1/M2 au-delà de la programmation minimale, en général 24 heures, ce sont autant d’heures de compléments d’enseignements de la fiscalité - souvent proches des 300 heures – qui seront à offrir à l’école d’avocat ou après ! Il sera plus économique pour les cabinets comme pour les entreprises de trouver à l’étranger, dans des Universités européennes, dans des Ecoles de commerce, des écoles d’ingénieurs, des étudiants avec une meilleure connaissance de l’entreprise et une bonne culture digitale pour les former. Autant de postes intéressants auxquels l’Université ne répondra plus, entrainant la paupérisation des étudiants et une inégalité des chances accrue au profit d’établissements aux tarifs sans commune mesure avec l’Université!
Enfin dans une période où la mise en place des recommandations de l’OCDE présente une véritable opportunité de performance ou de handicap pour les entreprises vis à vis des Administrations, les fiscalistes doivent piloter au niveau de la direction générale les risques de réputation, les coûts cachés, les avantages consommateurs … autant d’éléments stratégiques pour l’entreprise et ses conseils.
Les techniciens doivent être armés des « soft skills » nécessaires au-delà de l’excellence fiscale pour s’imposer à une direction générale ! Sans ces profils les entreprises françaises s’en remettront aux Administrations des Etats ou à des conseils anglo-saxons qui eux auront bien gardé préservés leurs cycles de formation auprès … des comptables et des financiers, contribuant à la diffusion d’un droit de common law plus accessible à ces acteurs !
Passé ces constats qui n’intéressent que les fiscalistes, nous pensons que l’approche retenue par les Présidents d’IEJ - une épreuve de note de synthèse, de droit des obligations et un grand oral de libertés fondamentales – permettait d’atteindre les objectifs d’égalité d’accès à la profession, d’équité dans la préparation, limitait le nombre d’élèves avocats « rattrapés par une bonne note de spécialité » qui se révèlent inadaptés par la suite. Elle épousait la réforme LMD permettant de restaurer de vrais programmes en M2 qui commenceraient mi-septembre plutôt qu’en décembre afin de proposer des stagiaires sur les fortes périodes d’activité des entreprises/cabinets avec des périodes d’apprentissage de 4 mois minimum pour une meilleure employabilité. Les M1 et/ou les M2 pouvaient choisir leurs spécialités et continuer en école d’avocats à la travailler de manière opérationnelle. Ils auraient été ainsi mieux préparés à l’entrée dans leur vie active, en cabinet comme en entreprise ou en administration. Alors Egalité ? Pratique quotidienne de l’avocat ? Employabilité ? La bonne réponse est-elle de rétablir la fiscalité en option du CRFPA ou de supprimer l’ensemble des options ?
[1] Rapport Kami Haeri sur l’avenir de la profession d’avocat février 2017 pages 24 à 26
[2] Les rapports Darroy et Haeri par exemple sur l’avenir de la profession ont oublié les fiscalistes qu’ils soient en cabinet ou en entreprise alors qu’ils représentent un modèle d’exercice
[3] Parcours sélectif en alternance d’avocat de l’entreprise – sous section 7 – piloté par EY Société d’Avocats depuis janvier 2017