Fondé il y a plus de deux siècles, le concours de la Conférence des avocats du barreau de Paris est toujours d’actualité. Chaque année, douze secrétaires sont élus par la promotion précédente parmi plus de 200 candidats, et au terme de trois tours de sélection. Le critère pour tirer son épingle du jeu : l’éloquence.
À chaque candidat sa technique
« Il y a autant de manières d’être éloquent que d’avocats », estime Rémi Lorrain, collaborateur chez Darrois Villey. L’avocat, élu après seulement un an de barreau en 2012, a entendu parler pour la première fois de la Conférence alors qu’il était en deuxième ou troisième année de droit à Nancy dans un reportage de France 3. Il s’est alors préparé en demandant les vidéos des trois tours de sélection des anciens secrétaires. « Le concours de la Conférence est un exercice qui peut paraître codifié mais qui vous apprend avant tout à plaider de manière naturelle. Paradoxalement, ça demande un travail important que de devenir naturel », ajoute l’avocat.
Les candidats sont jugés pendant dix minutes sur des sujets, parfois légers, tels que « Faut-il prendre la parole en dernier ? », « Peut-on revenir sur ses pas ? », « Doit-on mentir aux enfants ? » ou encore « La beauté est-elle une promesse ? ». Les secrétaires sont ensuite classés, du premier au douzième. À chaque rang correspond une fonction.
Par exemple, le dixième secrétaire organise la défense pénale, en répartissant les permanences entre les secrétaires. En effet, la Conférence a le monopole des commissions d’office en matière criminelle. Ce qui s’explique par son rôle premier : « Mettre les meilleurs jeunes avocats (moins de 35 ans, ndlr) au service des plus démunis », explique Rémi Lorrain. Qui ajoute : « On ne peut que s’en réjouir ».
Une formation incomparable
De leur côté, les avocats ont ainsi accès à pléthore de dossiers, ce qui fait de l’année de la conférence une expérience unique pour qui souhaite devenir pénaliste. Car il n’y a pas de profil type pour participer : le concours est ouvert à tous ceux qui souhaitent se former. « Une année de conférence équivaut à quatre-cinq ans d’expérience en cabinet, tant le rythme est dense », précise Rémi Lorrain.
En ce qui le concerne, l’avocat travaillait parallèlement alors en fusions-acquisitions chez Herbert Smith Freehills. Il devait ainsi mener de front sa fonction pénale et ses dossiers courants, ce qui était un véritable challenge. Il a notamment été l’avocat du « tireur de Libération, de BFM TV et de La Défense » Abdelhakim Dekhar, lors du début de la procédure. Un an après la conférence, Rémi Lorrain a intégré la prestigieuse équipe de pénalistes de Darrois Villey.
Désormais, il exerce aux côtés de l’associé Christophe Ingrain, en charge de dossiers comme Lafarge, accusé de financement du terrorisme, ou l’affaire politico-financière Bygmalion. « Il y a beaucoup d’anciens secrétaires qui sont de grands pénalistes aujourd’hui mais il y a aussi beaucoup d’excellents pénalistes qui ne sont pas passés par la conférence », tempère néanmoins Rémi Lorrain.
Cette année d’engagement judiciaire est également un moyen pour se construire un réseau, la solidarité étant primordiale au sein des promotions mais aussi entre chacune d’entre elles pour être le plus efficace possible. Elle permet aussi de se faire un avis sur la justice pénale, d’apprendre à gérer ses relations avec les magistrats, avec les clients, le sens de l’audience, etc. Autant de techniques qui expliquent que la Conférence soit parfois appelée l’école de guerre du barreau de Paris.
Quelques noms de grands pénalistes à avoir été secrétaires de la Conférence :
Hervé Temime du cabinet Temime
Francis Szpiner de STAS
Pierre-Olivier Sur de FTMS
Henri Leclerc d’Henri Leclerc et Associés
Éric Dupond-Moretti et Antoine Vey de Dupond-Moretti & Vey
Christian Saint-Palais du cabinet Le Borgne - Saint-Palais
Basile Ader d'August Debouzy