À côté du cursus traditionnel prisé des meilleurs étudiants américains, le LLM d’Harvard attire de plus en plus d’étudiants étrangers. Cette formation d’un an permet d’inscrire la meilleure université du monde sur son CV, d’accéder à une formation académique hors-norme et ouvre les portes des meilleurs cabinets d’avocats anglo-saxons.
Harvard la magnifique. L'université la plus prestigieuse du monde, la quintessence de l'élite académique, l'excellence intellectuelle. L'institution de Cambridge monopolise outrageusement la tête du classement de Shanghai, celui qui fait référence, depuis sa création il y a dix ans. L’énorme bâtiment rouge brique du 17ème siècle porte le poids du leadership éducatif mondial avec superbe, dominant de vastes pelouses impeccablement tondues. L’antichambre de l’élite politique respire la sagesse et inspire sérieux et sérénité.
Sa force de frappe est digne des plus grandes multinationales. Samedi 21 septembre, le doyen de l'université, Drew Gilpin Faust, a annoncé son intention de lever six milliards et demi de dollars dans le but de développer une « nouvelle approche d'enseignement ». Un projet pharaonique et innovateur destiné à rester au firmament de l'excellence. Le mardi 24 septembre, la « Harvard campaign » avait déjà permis de lever 2,8 milliards.
La « Law school », l'école de droit, participe à ce rayonnement. Elle attire chaque année les meilleurs étudiants du pays qui, une fois leur J.D accompli, iront briller dans les meilleurs cabinets d'avocat, à la tête des grandes banques ou en politique. L’actuel Président américain Barack Obama est issu de la Harvard Law School, et fut le premier afro-américain à diriger la prestigieuse Harvard Law Review. Il profita d’ailleurs de ce poste pour faire publier une première biographie, véritable profession de foi du futur dirigeant politique.
Au États-Unis toujours, le troisième pouvoir, est dirigé par d’anciens pensionnaires de l’institution. Cinq juges de la Cour suprême sur neuf en sont issus, tout comme bon nombre de sénateurs ou de représentants. Tous ceux qui envisagent une carrière politique fédérale considèrent l’école de droit de Harvard comme une importante première étape. En somme, l’ENA d’outre Atlantique.
« LES ÉTUDIANTS VONT À HARVARD POUR LA MARQUE, LA CARTE DE VISITE »
C’est pour cela que logiquement, chaque année et de plus en plus, une myriade d'étudiants étrangers font candidature pour intégrer le L.L.M, cursus d'un an destiné aux non américains. Et les Français sont de plus en plus séduits par le programme proposé dans ce diplôme que tous considèrent comme le parachèvement d’un parcours académique brillant, et la promesse d’une carrière flamboyante.
Christophe Jamin, directeur de l’école de droit de Sciences Po, explique cet engouement. « Les étudiants sont persuadés qu’il y a de l’excellence résume t-il. Et il y en a ». Les étudiants, selon lui, intègrent Harvard par stratégie : « Ils y vont pour la marque, la ligne sur le CV, la carte de visite. »
Le professeur évoque l’importance de faire un LLM pour accéder aux meilleurs cabinets d’avocats : « Les cabinets d’affaires veulent s’assurer que leurs futurs collaborateurs maîtrisent d’une part l’anglais juridique, d’autre part la common law dans la théorie et la pratique ».
Éric Laut a achevé son LLM à Harvard en 2006. Après avoir débuté sa carrière au sein des cabinets Sullivan & Cromwell pendant 4 ans et ensuite Cleary Gottlieb Steen & Hamilton pendant 5 ans, il est desormais avocat au cabinet Bompoint spécialisé en fusions-acquisitions. Il a le parcours typique de l’étudiant en droit modèle. Après son magistère de droit des affaires à l’université Paris II Panthéon Assas, il cherche à s’élever encore, découvrir de nouveaux horizons, et décide de postuler pour les LLM des plus prestigieuses universités américaines. Il est pris presque partout, mais choisi « naturellement » Harvard. « Pour la fascination qu’elle exerce en Europe, pour son prestige » avoue-t-il. Ce qu’il y trouvera va au-delà de sa haute qualité académique. « C’est une année qui m’a enrichi personnellement, où j’ai pu rencontrer des profils très différents, venant du monde entier. La qualité première des étudiants du LLM ? L’ouverture d’esprit, c’est vraiment la qualité la plus partagée » expose-t-il.
Benjamin Kanovitch est désormais associé chez Bredin Prat, 12 ans après avoir fait ce LLM à la suite duquel il a obtenu barreau de New York. Selon lui « cette combinaison est très pratique, et en seulement un an, on a une belle expérience de vie ». L’avocat avait demandé Yale et Harvard, « un niveau académique équivalent, mais la réputation de Harvard l’a emporté ».
Un choix fréquent chez les étudiants, comme Maude Lebois, avocate (Counsel) chez Shearman & Sterling au département Arbitrage international et issue de la promotion 2003-2004. Cette femme belge a pourtant eu le choix avec Yale et New York University (NYU), mais s’est décidée pour Harvard.
De son côté M. Kanovitch n’avait, de son propre aveu, pas un réel besoin de passer par Harvard. « Mais j’ai toujours voulu étudier aux Etats-Unis » avoue-t-il. Ainsi, après un an au cabinet Rothschild il intègre l’université dont il garde un grand souvenir. « J’ai apprécié l’émulation intellectuelle qui imprégnait le lieu, l’ouverture sur le monde et la façon d’envisager le droit. La façon de faire des cours, un séminaire avec des discussions ouvertes sur tous les sujets, est vraiment stimulante.»
« HARVARD SÉLECTIONNE UN POTENTIEL, UN PROFIL »
Les profils admis à Harvard sont très divers. Clément N. Fondufe n’a rien du parcours universitaire sage et brillant d’Éric Laut. Ce Camerounais associé au cabinet Latham & Watkins, dont il est le responsable pour l’Afrique, a fait son LLM en 2000-2001. Après 8 ans à New-York, il a pris ses quartiers à Paris.
M. Fondufe n’avait qu’une licence de droit de l’université de Yaoundé, mais exerçait déjà le métier d’avocat. C’est là qu’il a présenté différents LLM américains. « Je pense que dans mon cas comme dans d’autres, les recruteurs savent mettre de côté les mentions, et privilégient la vision, les ambitions. Ils sélectionnent un potentiel sur autre chose que sur les bulletins de notes, comme un profil intéressant et original » confie-t-il. Il a choisi Harvard car selon lui et malgré l’excellent niveau d’autres LLM, celui-ci reste au dessus. « J’ai des amis qui ont fait ces autres LLM et qui n’ont pas été recrutés. Ça n’existe pas à Harvard » assène-t-il. Lui a directement intégré White & Case et obtenu le barreau de New York.
Tout ceci, il a pu le faire à moindre coût. Fort d’un budget colossal, Harvard peut se permettre de financer tout ou partie du tarif d’un LLM – 78 000 dollars (57 700 euros). « Ils m’ont réglé 40% de mes frais de scolarité, et j’en connais qui n’ont rien payé du tout.» Une aubaine quand il s’agit d’intégrer un tel diplôme.
Entre la gratuité et le plein tarif, pour les portefeuilles moyens, il existe de nombreuses alternatives de financement. La commission Fulbright d’échanges universitaires et culturels, envoie chaque année des dizaines d’étudiants aux Etats-Unis, nombre d’entre eux vont à Harvard. Des fondations privées accordent également des bourses très régulièrement. C’est le cas par exemple du Harvard club de France et de la fondation Arthur Sachs.
Ce diplôme a pris une dimension qui dépasse largement le cadre du juriste – même d’élite. C’est la marque des dirigeants, dans quelque domaine que ce soit. Christophe Jamin, qui a mis en place un échange entre Sciences Po et Harvard, ne tarit pas d’éloge : « Ils sont d’un grand professionnalisme pédagogique, très sophistiqués intellectuellement. C’est vraiment un autre monde ! ».
« IL FAUT AVOIR DU RECUL, UNE VISION »
André Albertini, diplômé de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne et de Sciences Po Paris, a débarqué dans le Massachussetts il y a un mois. L’étudiant envisage de passer le barreau de New York dans la foulée, puis d’y rester pour exercer le droit des restructurations afin d’acquérir une expérience à l’international, avant un éventuel retour en France. Sa stratégie pour intégrer le LLM ? « Je savais qu’il me fallait majorer toutes mes années, beaucoup travailler pour intégrer l’université la plus cotée au monde » résume-t-il. Après cette courte période passée là-bas, il se dit conquis. « Tout est conforme à mes attentes. On a eu trois semaines d’orientation, l’équipe d’encadrement est très efficace, on se sent épaulé, suivi et très bien conseillé. Les cours et les professeurs sont incroyables ! » S’enthousiaste le futur avocat.
André Albertini se dit également comblé par le cadre et l’environnement. « Tout est fait pour que les étudiants soient au mieux. Une formidable bibliothèque ouverte jusqu’à minuit, des pubs et restaurant, les équipements de sport ». Le rang de l’excellence académique passe également par des à côtés sans faille.
L’étudiant en est persuadé, là se trouve la clef de l’accession au Gral éducatif : adopter le profil qui colle spécifiquement à Harvard. Car les profils demandés sont différents de ceux demandés par Stanford, Columbia ou autres écoles de droit prestigieuses.
Les attentes du LLM de Harvard, décrypte Ari Miller, consultant chez Weston Ivy, sont radicalement différentes des autres écoles. Ceci explique que les dossiers d’admission diffèrent largement, car ce que recherche Harvard ce sont des « profils exceptionnels destinés à diriger ou à avoir un rôle décisif dans leur pays à moyen terme. » L’expert de cette entreprise spécialisée dans la préparation des dossiers dans les LLM insiste sur la « Personal Statement » et l’importance capitale qu’y figure la notion de leadership, « ce que 95% des postulants oublient ! » déplore-t-il. « Pourtant, sur la dizaine de Français que nous avons aidé à intégrer le LLM d’Harvard, cette mention fut décisive. »
Le dossier de candidature est unique. Il allie théorie et pratique, concret et abstrait. « En plus de la ‘personal statement’, le dossier de candidature pour le LLM d’Harvard comporte un problème à résoudre. Il s’agit d’identifier un problème juridique et de proposer une solution. C’est un pan du dossier qui demande au candidat d’allier technicité juridique et vision globale de la problématique dans le contexte socio-économique qui s’applique. » Cette spécificité l’éloigne radicalement des dossiers des LLM concurrents: « En plus d’être un excellent juriste, il faut avoir du recul, une vision » conclue Ari Miller.
Julien Mucchielli
Vous trouverez des informations complémentaires sur le LL.M. de l'université de Harvard en cliquant ici.