Les avocats fiscalistes ont eu froid dans le dos à plusieurs reprises ces dernières années. Dans le dossier Ricci, le conseil d’Arlette Ricci, petite-fille de Nina Ricci, a été condamné en 2017 en appel pour avoir organisé l’insolvabilité de l’héritière. Dans, l’affaire Wildenstein, si le notaire a finalement été relaxé il y a deux ans, il a tout de même été renvoyé en correctionnelle pour complicité de fraude fiscale. Tout comme dans l’affaire Wendel, où le sort de l’avocat fiscaliste n’a pas encore été scellé. "La décision est particulièrement attendue, en ce qu’elle permettra de déterminer si l’engagement de la responsabilité pénale des conseils fiscaux est un épiphénomène ou risque au contraire de se transformer en tendance lourde", commente Emmanuel Daoud, associé chez Vigo.
Que s’est-il passé ces dernières années pour que les fiscalistes se retrouvent devant les tribunaux ? Il a toujours été établi que depuis que ce métier existe, l’avocat ne peut pas être complice d’un client qui contreviendrait à la loi. "Le risque qu’un avocat soit inquiété pour complicité de fraude fiscale ou d’organisation frauduleuse de l’insolvabilité, c’est aussi vieux que la notion de complicité, rappelle Daniel Gutmann, associé chez CMS Francis Lefebvre Avocats. Or un avocat ne conseillera jamais à l’un de ses clients de cacher des avoirs au fisc, par exemple. Si cela existe, ce sont des cas extrêmement rares."
Une répression renforcée
Mais la crise financière est passée par là et l’administration a renforcé son arsenal répressif, tant au niveau des écrits que de ses moyens. Ce qui, ajouté aux règles mouvantes de la fiscalité et à des lois parfois floues, crée des incertitudes juridiques de plus en plus importantes pour les contribuables mais aussi ceux qui les conseillent. "La mission même du conseil fiscal est de guider son client en matière fiscale et notamment d’optimiser le paiement de l’impôt en le réduisant, résume Emmanuel Daoud. Pourtant cette activité expose le conseil à d’importants risques pénaux, notamment en raison de la difficile délimitation de l’optimisation fiscale et de l’évasion, de la fraude ainsi que de la planification fiscale agressive."
Une loi, datant d’octobre 2018, donne un tour de vis supplémentaire. Elle institue un mécanisme de sanctions administratives à l’encontre des avocats. Sont visés ceux qui se sont personnellement impliqués dans les abus de droit de leurs clients. Par exemple en leur permettant de dissimuler leur identité, en leur fournissant un faux, etc. "C’est un texte qui a fait couler beaucoup d’encre mais, en fait, ses effets sont minimes car les cas de sanction sont limitatifs", souligne Daniel Gutmann. Emmanuel Daoud se montre, lui, assez inquiet : "L’avocat ne peut déterminer par avance si le schéma qu’il élabore sera susceptible ou non de constituer un abus de droit". Et de demander à ce que ce texte soit abandonné.
Il y a enfin la directive européenne adoptée l’an dernier pour compléter la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Elle oblige les avocats à déclarer ou à notifier à leurs clients la nécessité de dévoiler les montages internationaux particulièrement optimisants. La France a jusqu’au 31 décembre pour la transposer, en vue d’une application au 1er juillet 2020.
"Il y aura probablement des risques de sanctions pour les avocats quand le texte sera transposé", estime Daniel Gutmann. Ainsi, même si les cas de sanction devraient rester limités, les textes sont plus nombreux qu’autrefois et, de facto, les risques encourus aussi.