Carrrières-Juridiques.com. Vous êtes issu du monde de l’informatique. Cet univers est généralement assez éloigné de celui du droit, alors pourquoi vous êtes-vous intéressé au Code Civil ?
Steeve. Morin. J’ai commencé à m’intéresser au monde du droit pour plusieurs raisons. De façon pragmatique, j’ai suivi les débats autour du projet de loi relatif au renseignement, qui m’ont sensibilisé à la vie politique et au débat public. J’ai pu constater que ceux qui légifèrent sur la question de l’informatique n’y connaissent en réalité pas grand-chose. De fait, tous les experts en matière d’informatique sont opposés à cette loi. De façon plus générale, je pense que le code juridique et le code informatique sont proches. La loi règlemente la société civile, au même titre que le code règlemente la vie du cyberespace, régit les comportements et donne des instructions. Il y a donc une forte analogie entre ces deux mondes, pourtant très éloignés dans la pratique. La différence c’est que le monde du cyberespace utilise des outils plus performants et bien plus rapides que le système juridique. Je me suis demandé s’il était possible de mettre les outils informatiques au profit du droit.
C-J.com. Pouvez-vous nous en dire plus à propos de cet outil ?
S. M. GitHub, est un outil bien connu des développeurs. Pour faire simple c’est une sorte de réseau social collaboratif propre à ceux qu’on appelle les « geek », permettant de travailler à plusieurs sur un même code. L’outil permet de voir par qui et quand les modifications ont été apportées au code. Chaque utilisateur peut commenter les différentes modifications, et faire des propositions. C’est un travail collaboratif, mais également de contrôle et de responsabilité, puisqu’il permet de savoir qui est l’initiateur d’une modification en particulier. C’est ce que nous appelons un outil de « source-contrôle ». Cette logique peut parfaitement s’appliquer au texte de loi. Un Github pour le Code Civil, permet de savoir de façon rapide, quelles modifications ont été apportées, à quel moment et par qui.
C-J.com. Vous avez donc lancé l’idée….
S. M. Un après-midi je me suis lancé et j’ai rentré dans un Git hub, le Code civil. L’idée de départ était surtout de rendre accessible le droit et ses évolutions aux informaticiens puis de voir ce qu’ils en pensent. Ils ont reçu l’initiative de façon très positive et la société Github m’a soutenu à 100 %. Le phénomène a par la suite dépassé le seul monde de l’informatique puisque j’ai été contacté par plusieurs médias dès le lendemain.
C-J.com. Avez-vous été surpris des différents retours et de l’ampleur médiatique de votre initiative ?
S.M. J’ai été complètement surpris. Je ne m’attendais pas à un tel intérêt de la part du monde du droit. J’ai par exemple été tweeté par le célèbre avocat "twittos" maitre Eolas (@Maitre_Eolas). Je pense que cet intérêt du grand public et du secteur juridique pour le projet, illustre les possibilités concrètes et les envies de rapprochement entre le monde du droit et le cyberespace. J’ai tenté d’ouvrir le capot du droit, pour le rendre accessible. L’objectif n’est pas de créer un outil révolutionnaire pour les juristes, mais plus de rapprocher deux mondes qui ne se comprennent ni ne s’écoutent plus forcément. Je pense que l’informatique et ses outils peuvent apporter beaucoup au monde du droit. J’espère que cette initiative n’est qu’un début.
C-J.com. Quelles sont les prochaines étapes du projet ?
S. M. Après le code civil, j’ai pris l’initiative de mettre sur Git Hub, tous les autres codes. Tout ceci est nouveau, je ne sais pas encore ce qu’il restera de ce projet dans quelques temps.
J’aimerais que cela fasse réfléchir sur les outils existants qu’on pourrait utiliser pour rendre le droit véritablement plus accessible. En poussant le concept, on pourrait imaginer que cela soit un outil démocratique, dans la mesure où il y aurait une trace visible de tous des modifications des textes, que chaque citoyen pourrait commenter. L’idée n’est bien sûr pas de nier le travail parlementaire mais de décentraliser le débat et d’apporter plus de transparence et plus de surveillance dans la réalisation des textes législatifs. J’ai souhaité montrer que le monde de l’informatique, encore trop réservé à un nombre réduit d’experts, offre un grand nombre de possibilités et peut même participer à la démocratie. Je pense que le débat est à présent ouvert.
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Propos recueillis par Capucine Coquand