Une détention de 155 jours
Placés en détention le 6 avril 2016, Ayse et Ramazan sont libérés 155 jours plus tard, dans un contexte toujours plus difficile en Turquie après le putsch du 15 juillet ayant conduit à l’arrestation de nombreux policiers, magistrats, universitaires et journalistes. Ces professions sont en effet très persécutées, car elles sont régies par le secret professionnel et détiennent de ce fait des informations hors de portée des autorités. S’il n’est pas nouveau que les trublions des libertés sont dans la ligne de mire d’Ankara, le contexte s’est fortement dégradé et les deux avocats turcs en ont subi les conséquences, ainsi que leurs confrères membres de l’Association des avocats pour la liberté.
Accusés d'être membres d'une organisation terroriste, ils ont tous été placés en garde à vue alors même que les charges retenues contre eux restent floues, personne n’ayant aujourd’hui encore accès au dossier. Ramazan Demir est, de plus, accusé de faire de la propagande contre l’État alors qu’en réalité on lui reproche les nombreux débats et conférences qu’il a animés devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Si leurs confrères sont remis en liberté rapidement, Ayse et Ramazan sont quant à eux enfermés 155 jours dans une prison turque où les conditions de détention sont sans surprise déplorables.
Un soutien international considérable
La détention des deux avocats n’a pas échappé au barreau de Paris, qui a toujours manifesté son soutien auprès du barreau stambouliote, lorsque ce dernier subissait des menaces. Le Barreau de Paris a notamment pris contact avec les autorités turques et françaises pour demander leur libération. A l’origine de cette initiative admirable, Rusen Aytac, Jennifer Halter, Jacques Bouysou et Martin Pradel, quatre avocats parisiens bouleversés par l’histoire tragique d’Ayse et Ramazan, ont décidé très rapidement de tout mettre en œuvre pour leur venir en aide.
Leur mission de sauvetage a commencé par la saisine de la rapporteuse des Nations-Unies pour l’indépendance de la justice le 19 avril 2016. Puis, un groupe de soutien sur Facebook a été créé et une campagne auprès des avocats français a été lancée afin qu’ils envoient massivement des cartes postales aux deux avocats détenus. Ces messages de soutien, également postés sur les réseaux sociaux sous le hashtag #5StampsForMyImprisonedLawyer, ont été relayés dans le monde entier. Enfin, les différentes initiatives des avocats parisiens ont été largement suivies par une multitude d’avocats dans le monde. Ainsi, de nombreux représentants de la profession, notamment les bâtonniers des barreaux de Madrid et Genève, le président de la fédération argentine des barreaux, le président du barreau mexicain, le président de la Conférence des Bâtonniers français, le Président du Conseil des barreaux européens, la vice-présidente de la fédération des barreaux Européens et le bâtonnier du barreau de Bruxelles ont eux aussi adressé des cartes postales rédigées en turc à Ramazan Demir et Ayse Acinikli.
La libération !
Si le soutien de leurs confrères du monde entier a été humainement très important et encourageant pour les deux avocats turcs durant leurs 5 mois de détention, il a certainement aussi influencé l’issue du procès qui s’est déroulé le 7 septembre 2016. Les deux avocats ont ainsi retrouvé leur liberté physique mais n’oublient pas les dizaines, les centaines de leurs camarades toujours emprisonnés. Soulagé mais prévoyant, le barreau de Paris reste mobilisé en vue du prochain procès d’Ayse et Ramazan prévu le 22 novembre prochain.
Source de l'image : Ordre des avocats de Paris
Clémentine Anno
@clementine_anno