La responsabilité sociale, pour quoi faire ?
La responsabilité sociale des entreprises (RSE) se définit comme la charge qui leur incombe pour transformer positivement les instances sociétales (les associations caritatives, les établissements locaux, leurs salariés) ou environnementales. Elle se traduit par des programmes collectifs divers et variés. Aujourd’hui devenue chose courante, la mise en œuvre de ces programmes est attendue, par les consommateurs et les actionnaires. La stratégie dite « RSE » est directement intégrée dans les plans de développement, à l’échelle mondiale, de nombreuses entreprises multinationales. D’après le Financial Times, les compagnies classées au Fortune 500 dépenseraient un budget de quinze milliards de dollars pour ces programmes chaque année [1].
L’Union européenne souhaite étendre cette responsabilité. Une première étape a d’ailleurs d’ores et déjà été franchie avec la loi Grenelle II, appelant les États membres à s'engager en faveur de l'environnement. L’UE est allée encore plus loin : l'article 225 de la loi oblige les entreprises de plus de cinq cents salariés à publier des informations concernant leurs performances sociales [2].
Du point de vue de la gestion de la réputation, la responsabilité sociale joue un rôle non négligeable : elle permet aux entreprises de communiquer sur leurs bonnes intentions et pratiques, un avantage concurrentiel certain synonyme de différenciation face aux concurrents.
La responsabilité sociale des cabinets d’avocats : les anglo-saxons à l'avant-garde
Les professions juridiques sont aussi concernées par cet appel à « l’éthique moderne ». L’avocat est par nature un défenseur des libertés et un acteur de l’évolution de notre société lorsqu’il s’agit de la faire tendre vers plus de moralité [3]. La RSCA (responsabilité sociale des cabinets d’avocats) est un phénomène relativement récent auquel de plus en plus d’acteurs s’intéressent. L'école de droit de Sciences Po, en association avec l'Association française des juristes d’entreprises (AFJE), le barreau de Paris et Linklaters, a d’ailleurs récemment publié un rapport faisant état de ce phénomène.
La RSCA peut prendre différentes formes : le pro bono (c'est-à-dire l'assistance juridique non facturée et le don de temps pour des actions caritatives), les efforts environnementaux (comme l'adoption de gestes "verts" au sein des firmes ou la délivrance de conseils auprès d'ONG de défense de l'environnement), des campagnes de levée de fonds (comme le cabinet Alps Solicitors, qui a organisé une campagne de levée de fonds en organisant une journée pyjama pour l'association caritative de la BBC, Children in Need), etc.
Les grands cabinets anglo-saxons sont largement en avance en matière de RSCA. Chez Baker & McKenzie par exemple, les programmes de responsabilité sociale se déclinent en trois piliers [4] : les activités communautaires et les cas pro bono, la diversité et l'inclusion et le développement durable. Et ce n’est pas une initiative isolée. Pour Diana Koshel, conseillère en affaires du cabinet Clifford Chance « [le cabinet] est très impliqué dans sa propre responsabilité sociale, et ce depuis longtemps, notamment à travers des conseils juridiques pro bono ainsi que des contributions financières au sein de leur communauté. » [5]. Au sein du cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer à Londres, James Daffurn, responsable de la RSCA jusqu'en mars 2015, rappelle pour sa part que le cabinet soutient des activités de responsabilité sociale depuis très longtemps [5] : « À Londres, notre programme pro bono a près de trente ans. Notre investissement dans des activités pour aider les communautés londoniennes datent, lui, des années 2000. La firme est investie dans des activités philanthropiques depuis au moins un siècle. »
Quid des cabinets français ? Le retard sur les anglo-saxons est notable ! Certains cabinets font néanmoins preuve de bonne volonté. Le cabinet Gide a par exemple confirmé, quelques mois après l'annonce du lancement de son fonds de dotation (permettant la récolte de fonds pour des œuvres de bienfaisance), « son implication de cabinet socialement responsable, restant fidèle aux valeurs humanistes et d'ouverture à l'international qui le guident depuis sa création ». [6]
Des intérêts personnels ?
Louables pour certains, intéressés pour d’autres, les programmes de RSCA ne font pas l’unanimité. Certains sceptiques parlent même d’ « intérêts personnels éclairés » et de « coup marketing » pour les cabinets. Une image « sociale » qui permettrait même de faire oublier les mauvaises pratiques de ceux qui prétendent agir pour une « société meilleure ». N’oublions jamais qu’un cabinet n’est en rien et ne sera jamais une association à but non lucratif. Les avocats ont-ils ainsi une responsabilité supérieure à l’égard de la société ? La question est posée.