Le droit peut-il être ludique? Rencontre avec Lex Tutor

Le droit peut-il être ludique? Rencontre avec Lex Tutor

La vulgarisation connait une explosion ces dernières années sur YouTube. Pas un sujet n'y échappe : la physique, la biologie, l'histoire, la politique, la mythologie... ni même le droit. 

La vulgarisation connait une explosion sur YouTube. Pas un sujet n'y échappe : la physique, la biologie, l'histoire, l'économie... pas même le droit. Ca tombe bien puisque "Nul n'est censé ignorer la loi", et pourtant comme le rappelle Nicolas Pantin, alias Lex Tutor, "personne ne la connait vraiment".

Vidéaste créateur de la principale chaine de vulgarisation du droit sur l'internet français, Nicolas nous livre son expérience.

 


 

Lex Tutor vient de fêter ses un an, quel est le bilan de cette première année? 

 

Un bilan extrêmement positif.

 

La chaine reçoit continuellement des commentaires chaleureux, curieux et volontaires, qui me poussent à continuer l’aventure. Plus celle-ci avance, plus les réflexions que je reçois sont étoffées, passionnantes et amènent à d’autres discussions - des plus farfelues aux plus censées quand elles ne deviennent pas tout simplement le sujet de nouvelles vidéos. 
Un vrai cercle vertueux.

 

Bien sûr, le travail de professionnalisation des vidéos, notamment d’un point de vue technique, me semble encore immense et long, mais j’essaie de progresser au fur et à mesure de celles-ci pour proposer un contenu que j’aimerais voir en tant qu’internaute.

 

Comment définiriez-vous votre chaîne?

 

Pour le moment, et principalement pour des raisons financières, les vidéos sont avant tout des moments de vulgarisation, entrecoupées de réflexions ouvertes sur les sujets traités. Mais à terme, la chaine a vocation à être un carrefour de vulgarisation, d’éducation populaire et de fiction.

 

Je voudrais pouvoir raconter des « histoires de droit qui font réfléchir ».

 

Pourquoi avoir choisi de vulgariser le droit ?

 

Titulaire de différents diplômes de droit - en droit public ainsi qu'en droit des affaires – j’ai toujours été passionné par la matière. Les questions de l’accès au droit et de sa transmission m’ont intéressé dès les premières années à l’université. Je suis donc devenu moi-même gros consommateur de vulgarisation juridique avec l’Antimanuel de droit d’Emmanuel Pierrat, Nul n’est censé ignorer la loi de Pierre-Olivier Sur, le podcast « Le Bien Commun » d’Antoine Garapon ou encore le magazine « Culture Droit ».
Ces exercices de vulgarisation me semblaient d’ailleurs d’autant plus passionnants que le droit est confronté à une véritable quadrature du cercle: comment, en effet, le rendre accessible à tous, tout en conservant sa force réflexive ?

 

C’est au fil de ces lectures, de ces réflexions, et de l’engouement pour la vulgarisation sur YouTube, que j’en suis venu à moi-même tenter de vulgariser la matière. 

 

Vous n'êtes pas le premier à vous essayer à la vulgarisation du droit qu'apporte selon vous cette forme nouvelle ?

 

Tout d’abord, la gratuité. Sur YouTube, le spectateur a une totalité liberté et gratuité de visionnage. De fait, son apprentissage est complètement volontaire, ce qui est une incroyable base de travail pour transmettre des connaissances.

 

Au-delà de ces arguments financiers, la plateforme permet également d’entretenir une certaine horizontalité entre les créateurs et les spectateurs. L’écoute et les échanges sont permanents, ce qui permet directement d’affiner, d’approfondir et d’enrichir le contenu.

 

C’est cette boucle permanente de « feedbacks » qui rend à mon sens la vulgarisation aussi efficace sur YouTube.

 

Et ce sont d’ailleurs sans doute ces raisons qui font que l’offre des vulgarisateurs est désormais pléthorique et qu’on y trouve de tout, des chaînes à thématiques variées, des formats courts ou longs, des tons légers ou sérieux...

 

Le droit ne pouvait dès lors qu’y trouver sa place.

 

Quel a été le déclic? Comment passe-t-on de l'idée à la première vidéo?

 

Difficile de parler de « déclic », dans le sens où j’ai toujours aimé parler de droit avec mon entourage – le format vidéo étant dans la continuité de ce besoin d’échanges – mais si je devais en retenir un, ce serait le manque gênant de vulgarisation juridique sur les plateformes de vidéos, alors même que des dizaines d’autres domaines, de la philosophie à l’Histoire, en passant par l’écologie explosaient.

 

Qu'est-ce que cette expérience vous a apporté? Autant sur le plan matériel que humain?

 

Sur le plan matériel, cette expérience m’a apporté un sacré découvert (rires).

Refusant de monétiser mes vidéos par la publicité, chacune d’entre elles me fait dépenser toujours plus d’argentque ce soit pour le décorles ordinateurs, les lumières et autres logiciels de montage, et tout ceci sans compter l’immense temps passé aux recherches, à l’écriture, au tournage et au montage.

 

C’est pourquoi j’exerce, en parallèle, une activité professionnelle qui me permet d’avoir un salaire stable, mais qui m’empêche a contrario de consacrer (beaucoup) plus de temps à la vidéo, et m’oblige à être irrégulier dans les sorties.

 

Sur le plan humain, le bilan est beaucoup plus positif. Bien que je n’habite pas en France, les contacts que j’ai pu nouer grâce à la chaine me permettent d’améliorer mon contenu par des mécanismes de « peer review », d’apprendre en permanence à améliorer mes formats, à en développer de nouveaux, et à envisager des projets à plus gros budget en partenariat avec d’autres vidéastes, et à l’avenir, avec des institutions françaises. 

 

Au-delà, Lex Tutor m’a surtout montré l’inépuisable curiosité qui anime ceux qui suivent la chaine, dont les débats dans les commentaires des vidéos ou sur les réseaux sociaux deviennent de plus en plus profonds et passionnés. Tout cela témoigne d’une véritable demande d’accès et de compréhension du droit. Et j’espère que nous serons de plus en plus nombreux à y répondre.

 

Quel est l'avenir de Lex Tutor ?

 

Le plus radieux possible, j’espère !

 

La chaine n’en est encore qu’à ses balbutiements, les projets sont nombreux – et non réservés au support vidéo – et je souhaite à terme que la chaine puisse déclencher autant de passions, de réflexions et de plaisir, que j’ai pu moi-même en avoir au fil de mes lectures juridiques qui m’ont amenées à découvrir la matière.

 

Quel conseil donneriez-vous à quelqu'un qui souhaite se lancer ?

 

Au-delà de l’habituel « lancez-vous ! Créez ! », si je devais donner des conseils pour quelqu’un qui souhaite produire des vidéos, je lui conseillerais de créer « éthique et transparent », à un moment où de plus en plus de pratiques commerciales se développent dans le flou de la loi, et notamment de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.
Pour reprendre Christine Kelly au sujet de la télévision, Internet n’a pas à être un sapin de Noël publicitaire. Et c’est parce que dans notre société l’omniprésence de la publicité amenuise la frontière entre les messages publicitaires et les contenus éditoriaux, qu’il est important, je crois, de conserver une véritable transparence, que ce soit pour les auteurs ou les spectateurs.

 

 

Juriste ou non, si vous voulez découvrir le droit autrement tout en passant un bon moment, faites un tour sur la chaine de Lex Tutor. Vous ne le regreterez pas!

 

 

    

 

 

par Jolan Samper-Bidegorry
@jolan_samper