On va y revenir !
Notons que l'on appelle cela "recherche", ce qui peut faire pompeux, abstrait, mais le mot n'est pas mal choisi. On recherche pour faire le tour de la question (que ce soit l'effet d'une molécule, l'effet d'une loi, ou les signes d'une pathologie). On recherche ensuite la façon d'organiser les connaissances - et les incertitudes... les "non-connaissances". Et, juste après, vient l'indépendance d'esprit vient la... thèse, la connaissance, l'idée.
On va y revenir.
Ce point d'ordre par une thèse technique est souvent précieux. Celle-là peut se faire en 3 ans. Cette thèse donne un document (une monographie dit-on) qui fait le point. Ce travail mérite le titre de docteur car il est difficile à conduire. Il n'est qu'à dénombrer tous ceux qui ne finissent pas leur thèse, alors parfois qu'ils ont été financés par de l'argent public. Payés pour faire la thèse ils ne l'écrivent jamais. Cruelle sanction de ceux qui parfois se considéraient comme les meilleurs d'une promotion... Les mentions aux examens n'assurent pas les thèses fertiles : l'épreuve de la thèse tue.
Ceux qui résistent à l'épreuve (moins de 1% de la population ?) se retrouvent en galère. L'étudiant est tantôt confronté au néant, il n'a presque rien fait, et ne "voit rien", tantôt il est face aux multiples connaissances accumulées et désordonnées. Il faut alors tout remettre à niveau : créer ou réduire, dans tous les cas produire. Arrogante, Valérie PECRESSE disait récemment que les docteurs amènent des idées et les diplômes des grandes écoles des solutions (entretien sur Europe 1). Ce propos léger ne se retrouve pas : la thèse apporte et des idées et des solutions - du moins dans l'idéal.
Pour communiquer ces idées et solutions, il faut donner à ces centaines de pages écrites et milliers de pages de consultées, une dynamique simple et agréable. Ceux qui n'ont pas cette force feront le deuil de leur ambition car ils n'auront jamais droit de cité dans l'université ou dans l'enseignement supérieur qui a des composantes de recherche. Ceux qui arrivent à produire (la "production scientifique" c'est cela) doivent alors redoubler de courage et de force pour aller au bout.
Cela signifie souvent refondre totalement son plan et tout réécrire. Plus il y a de reprises, plus il y a de chances pour que l'ouvrage soit d'un réel intérêt. A ce seuil, l'expertise de l'étudiant-doctorant, l'indépendance d'esprit acquise sur "sa" question, le pousse à penser par lui-même. La thèse naît. Il acquiert sa propre opinion, peaufine ses propres idées, affine les mécanismes nouveaux qu'il souligne (soit sa propre doctrine dit-on en Droit, soit en science juridique). C'est dans ces moments, devant la nécessité de penser seul - puisqu'il a compris les autres - que le doctorant devient docteur.
Paradoxalement, seuls ceux qui soutiennent une véritable thèse seront poussés à la réécriture et à la refonte de leur ouvrage quelques mois avant leur soutenance. Les autres laisseront les descriptions telles qu'elles sont... Avec la réécriture, l'ouvrage pivotera de la compilation à la démonstration, de la récitation à l'innovation. La réécriture se fera vite car la vision du sujet aidera à synthétiser.
Voilà ce qu'est - au moins pour les sciences humaines et juridiques - la belle recherche qu'est la thèse, un exercice qui peut largement être individuel et se faire non à la lueur des lasers mais de la chandelle. Quand survient la thèse... ce sont des années de difficiles réflexions qui prennent forme, difficulté qui fait que tant de thèses ne sont pas soutenues.
Par Hervé Causse, Professeur des Universités
En savoir plus : http://www.hervecausse.info/
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