L'article L. 1142-1 du Code de la santé publique poursuit en précisant que la solidarité nationale ne peut être mise en oeuvre que lorsque les préjudices du patient ou de ses ayants-droits, en cas de décès du patient, sont imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu des conséquences anormales au regard de l’état de santé du patient et présentent un caractère de gravité.
Le législateur a donc limité l’engagement de la responsabilité pour faute et l’intervention de la prise en charge par la solidarité nationale aux seuls actes de prévention, de diagnostic ou de soins.
Quels sont ces actes de prévention, de diagnostic ou de soins?
Les deux premières notions n’ont pas fait l’objet d’une démarche jurisprudentielle de définition dans la mesure où celles-ci sont particulièrement aisées à cerner. En effet, la prévention comprend l’ensemble des actes qui ont pour objectif de prévenir l’apparition d’un état pathologique, comme par exemple, la vaccination. Quand à la notion d’acte de diagnostic, celle-ci englobe tant la démarche intellectuelle que technique afin d’aboutir à la détermination de l’état pathologique.
Cependant, la notion d’acte de soins a progressivement compris un grand nombre de pratiques médicales, selon une logique protectrice des patients. En effet, en l’absence de précision du législateur, la jurisprudence a pris à coeur de favoriser les patients face aux professionnels de santé et aux établissements de soins.
Ainsi, en contradiction totale avec la logique pratiquée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), la Cour de cassation a, récemment admis que les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L. 6322-1 et L. 6322-2 du Code de la santé publique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique. En l’espèce, une patiente était décédée des suites d’un malaise cardiaque , juste avant l’anesthésie préalable à une intervention de liposuccion, par l’injonction de deux produits sédatifs. La Cour de cassation a alors estimé que la Cour d’appel avait, à juste titre, décidé que le décès était dû à un accident médical non fautif pour lequel l’ONIAM devait indemniser les ayants-droit à hauteur de 70% du préjudice subi, la perte de chance d’éviter le dommage ayant été évaluée à 30% (Civ.1ère, 05 février 2014, n° 12-29.140).
De même, le Conseil d’Etat a également adopté une interprétation large de la notion d’acte de soins en reconnaissant l’intervention de la solidarité nationale à la suite d’un accident d’anesthésie survenu lors d’une circoncision (CE, 3 novembre 1997, n° 153686). Le Conseil d’Etat a rappelé que la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d’extrême gravité. En l’espèce, le risque inhérent aux anesthésies générales et les conséquences de cet acte pratiqué sur le jeune patient décédé à la suite d’un coma prolongé consécutif à un arrêt cardiaque répondent à ces conditions, alors même que l’acte médical a été pratiqué lors d’une intervention dépourvue de fin thérapeutique.
Dès lors, il semblait jusqu’à lors que les actes de soins englobaient donc l’ensemble des actes pratiqués par des professionnels de santé, peu importait alors la finalité même dudit acte.
Fin 2014, le législateur est intervenu pour mettre un terme à une si grande souplesse sur les contours de la notion d’acte de soins. En effet, l’article L. 1142-3-1 I du Code de la santé publique a été modifié par la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014. Ce dernier précise dorénavant que l’intervention de la solidarité nationale n’était pas envisageable en matière de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi.
Plus récemment encore, la Cour de cassation est revenu sur sa logique de souplesse en restreignant la notion d’acte de soin. En effet, dans un arrêt du 24 mai 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé que le fait que l’évolution favorable de l’état de santé d’un patient se trouve retardée par un échec thérapeutique ne caractérise pas un dommage réparable au titre de la solidarité nationale (Civ.1ère, 24 mai 2017, n° 16-16.890). En effet, il faut distinguer l’insuffisance thérapeutique d’un dommage survenu à l’occasion d’un acte de soin. En l’espèce, un patient présentant une instabilité chronique d’une cheville avait subi, le 23 mars 2006, une ligamentoplastie pour y remédier. En raison d’une persistance de douleurs, une reprise chirurgicale avait été pratiquée le 14 mai 2008, qui a permis de diminuer la tension du transplant et enchaîné une réduction importante des douleurs, Le patient évoquait alors avoir subi un accident médical non fautif et avait de ce chef assigné l’ONIAM aux fins d’obtenir une indemnisation au titre de la solidarité nationale.
Dorénavant, la conception jurisprudentielle de la notion d’acte de soin est bien plus restrictive reconnaissant qu’un dommage est réparable au titre de la solidarité nationale uniquement lorsque ledit dommage est distinct de la pathologie elle-même et non plus uniquement lorsque ledit dommage survient à l’occasion d’une action pratiquée par un professionnel de santé.
Gwendoline DA COSTA GOMES
Avocat à la Cour