Le 9 novembre dernier, le Conseil d’État a élargi les modes de communication des avocats auprès du grand public en annulant l'interdiction qui leur était faite de diffuser de la publicité par voie de tracts, affiches, films, radio ou télévision.
Modernisation
La possibilité de moderniser l’image de la profession en lui octroyant le bénéfice de nouveaux outils marketing tient à une décision de la CJUE, rendue en 2011[1]. La Cour retient à l’époque que l’interdiction pour une profession réglementée d’avoir recours à la publicité est contraire à la directive relative aux services dans le marché intérieur de l’Union européenne. En 2013, le Conseil d’État considère quant à lui que cette interdiction ne peut s’appliquer aux avocats. Un an plus tard, les avocats sont autorisés à recourir à la publicité et à la sollicitation personnalisée par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, complétant la loi de 1971 qui règlemente la profession d’avocat. Tirant les conséquences de la nouvelle législation, le Conseil national des barreaux (CNB), après concertation de la profession, a rapidement modifié l’article 10 du RIN (Règlement intérieur national) s’intitulant désormais « communication ».
La mise en ligne de sites web, l’envoi de newsletters, l’utilisation de réseaux sociaux ou blogs, l’achat d’espaces dans les annuaires et dans la presse ou encore l’organisation d’évènements auxquels les avocats convient des clients potentiels sont ainsi autorisés. Un moyen, aussi, de faire face aux nouveaux concurrents et à l’überisation de la justice.
Communication commerciale
Quelques exceptions au recours à la publicité perduraient cependant. Par exemple, les conditions d’application de la loi Hamon figuraient dans le décret du 28 octobre 2014 relatif aux modes de communication des avocats qui a modifié l’article 15 de celui relatif à la déontologie de la profession d’avocat de 2005. Il prévoyait ainsi que « La publicité s'opère dans les conditions prévues par le décret du 25 août 1972 relatif au démarchage et à la publicité en matière de consultation et de rédaction d'actes juridiques ». Or ce dernier décret prohibait la publicité faite par voie de tracts, d’affiches, de films cinématographiques, d’émissions radiophoniques ou télévisées.
Le Conseil d’État a été saisi d’une demande en annulation pour excès de pouvoir du décret de 2014 et à titre subsidiaire de l’article qui modifiait l’article 15 du décret de 2005. L’arrêt du 9 novembre 2015 relève que cette interdiction n’est pas justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général. Elle est donc contraire à la directive européenne de 2006. Le Conseil d’État annule ainsi le deuxième alinéa de l'article 15 du décret de 2005 opérant un renvoi à la disposition litigieuse contenue dans le décret de 1972. La publicité par voie de tracts, d’affiches, de films, de radio ou de télévision faite par les avocats est donc désormais autorisée.
La communication commerciale devra néanmoins préciser les modalités de fixation du prix de la prestation qui doit faire l’objet d’une convention d’honoraires. Elle doit en outre respecter la déontologie de la profession.
SMS et MMS
Le Conseil d’État maintient toutefois certaines prohibitions. La publicité comparative ou dénigrante, tout comme le démarchage téléphonique ou par SMS et MMS restent interdits. Des restrictions qui ont pour but, selon les juges du Conseil d’État, d’assurer le respect de l’indépendance, de la dignité et de l’intégrité de la profession d’avocat. La sollicitation personnalisée, prévue par la loi Hamon, s’entend en effet d' « un envoi postal ou d'un courrier électronique adressé au destinataire de l'offre de service, à l'exclusion de tout message textuel envoyé sur un terminal téléphonique mobile ». Le procédé visant à faire de la publicité par le biais de SMS est jugé intrusif et s’apparente au démarchage téléphonique, lui-même prohibé. En outre, l’envoi de SMS ne permet pas d’assurer un contenu respectant les obligations posées par l’article 10.2 du RIN. Les restrictions posées par les textes sont par conséquent proportionnées aux raisons impérieuses d’intérêt général de protection d’indépendance, de dignité et d’intégrité et ainsi jugées compatibles à la directive de 2006.
Alice Mourot