Jean-Pierre Mignard : « Il faut que ce texte soit re-rédigé, repensé, et surtout qu’il n’ait pas à venir dans l’urgence »
- Avocat au barreau de paris depuis 1974.
- Président de la haute autorité éthique du parti socialiste.
« La déchéance de nationalité française a une longue et mauvaise histoire », rappellait Jean-Pierre Mignard au micro de RMC en décembre dernier. Largement opposé au projet de réforme, il craint que la déchéance de nationalité ne crée une discrimination entre les Français binationaux et les autres. Une mesure que l’homme juge « dangereuse », et qui serait plus symbolique qu’utile. Dans une interview accordée aux Échos, il propose de s’entendre « avant toute chose avec le Maroc, l’Algérie et la Tunisie avec qui la France compte de très nombreux binationaux ». Autre solution : réactiver la peine d’indignation nationale. « Ce n’est pas une mesure dissuasive, mais elle peut concerner les complices, les comparses, ceux qui fournissent des moyens matériels à la commission de l’effraction », analyse-t-il au micro de BFM TV. Opposé à une réforme constitutionnelle, Jean-Pierre Mignard propose de modifier la loi de mars 1998 qui contient déjà des dispositions au sujet de la déchéance de nationalité.
William Bourdon : « Au lieu de privilégier la cohésion nationale, on favorise l’inverse »
- Secrétaire général de la Fédération internationale des droits de l’homme de 1995 à 2000.
- Avocat de cinq des six binationaux qui se sont vu notifier un décret portant déchéance de nationalité en 2015.
William Bourdon connaît bien les problématiques liées à la déchéance de nationalité. L’avocat, qui a défendu cinq hommes condamnés en 2007 pour « participation à un acte terroriste », dit avoir observé une « logique d’emballement » conduisant tout droit vers une justice prédictive. « La moindre sympathie, le port de la barbe, une proximité passée, une délation sont suffisants aujourd’hui pour objectiver un soupçon. » Faire figurer la déchéance de nationalité dans la Constitution serait pour lui « un détournement de procédure ». Dans une interview accordée à L’Express, l’avocat s’explique : « Inscrire dans le marbre sacré de notre Constitution la déchéance de nationalité conduit à institutionnaliser deux catégories de Français : ceux qui ne sont que Français et ceux qui ont une double nationalité. Au lieu de privilégier la cohésion nationale, on favorise l’inverse (…). » Tout comme Jean-Pierre Mignard, William Bourdon met en lumière le caractère dangereux de la mesure.
Henri Leclerc : « La déchéance de nationalité est une mesure qui serait avant tout symbolique »
- Avocat au barreau de Paris depuis 1956.
- Président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme.
« L’idée me paraît insupportable », lançait l’avocat dans un texte publié sur Médiapart. Farouchement opposé à la déchéance de nationalité, il évoque une mesure « symbolique », qui « n’entrerait pas beaucoup en pratique ». Henri Leclerc considère que cela serait par ailleurs une atteinte au principe fondamental de la nationalité et de la naissance. « C’est une atteinte à l’égalité des Français quelle que soit leur origine et à un principe fondamental qui est la prééminence absolue du droit du sol », explique-t-il dans les tribunes de La Voix du Nord. L’avocat appelle enfin les politiques à être « absolument plus efficaces ». Les réponses étant aujourd’hui « insuffisantes ».
Pierre Jox : « Souhaitons
cette douce euthanasie au projet n° 3381 »
- Avocat au barreau de Paris depuis 2010.
- Ancien ministre de l’Intérieur et de la Défense de François Mitterrand.
Dans un texte confié à Médiapart le 30 décembre dernier, Pierre Joxe s’oppose ouvertement à l’élargissement de la déchéance de nationalité aux binationaux nés français. Un projet de réforme « stupéfiant » selon l’ancien ministre, qui appelle les forces de gauche à suivre le Mouvement des jeunes socialistes : « Ces jeunes socialistes ne s’égarent pas, ils donnent le bon exemple, un exemple saisissant ». Comme eux, l’ancien ministre rejette l’inégalité de droit qui serait créée par la déchéance de nationalité de binationaux, même lorsqu’ils sont nés en France. Comme eux toujours, il craint qu’elle ne soit une « brèche dans le droit du sol, qui fait partie de notre identité républicaine ». L’avocat conclut : « Décalage singulier aujourd’hui entre l’effet juridique espéré d’une décision controversée et l’effet politique instantané : soudain, la gauche anesthésiée se réveille. »
Capucine Coquand
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