La majorité des sièges sociaux des sociétés françaises et des filiales de groupes internationaux se situent en région parisienne. Le Tribunal de Commerce de Paris à donc à connaître de très nombreux dossiers. Pouvez- vous nous présenter l’activité contentieuse du Tribunal ?
8 % des entreprises françaises sont du ressort géographique du Tribunal de Commerce de Paris mais nous traitons 20 % des litiges soumis aux Tribunaux de Commerce soit environ 40000 litiges par an : un tiers sont des injonctions de payer, un sixième sont des référés, un tiers sont des litiges traités rapidement (demandes de caisse de retraite, par exemple). Enfin, un sixième des dossiers sont envoyés devant un juge rapporteur, ce sont les dossiers les plus complexes. Au total, les trois quarts des litiges sont traités dans un délai inférieur à deux mois et donc rapidement. Un tiers des injonctions de payer sont traitées en quinze jours maximum, et les référés sont traités dans un délai inférieur à un mois ! 8 000 litiges sont enregistrés chaque année au Tribunal de Commerce pour être traités au fond et 15 % d’entre eux n’aboutiront jamais à une décision car les parties n’auront pas poursuivi. Nous essayons de développer une culture d’apaisement c’est à dire la médiation ou la conciliation. Une centaine d’affaires sont réglées de cette façon. Environ 15 % de nos décisions font l’objet d’un appel. Mais 85 % de nos décisions sont confirmées.
Sur quels points souhaiteriez- vous attirer l’attention des juristes d’entreprise dans le cadre d’une procédure contentieuse ?
En France, la forme doit être examinée avant le fond. Un bon juriste n’est pas toujours un bon procédurier. Une des choses importantes est de bien connaître la procédure, le code, les coutumes et les habitudes du Tribunal. Tout cela va aider. Un bon procédurier fera gagner plusieurs mois dans un dossier car il saura la date à laquelle demander le renvoi. Tous les aspects dilatoires permettent en outre à un bon procédurier de faire des différences significatives dans le délai du procès... Pour les juristes d’entreprise, il est important qu’ils viennent assister aux séances de façon à voir les arguments qui portent, comment l’avocat opère...
A ce propos, comment les juristes d’entreprise peuvent ils devenir juges consulaire ? Quelles sont les voies d’accès ? Quelles sont les compétences requises ?
Les juristes d’entreprise doivent se manifester auprès du Tribunal pour se faire expliquer en quoi cela consiste (délai...). Cet entretien avec le vice- Président se déroule comme un entretien d’embauche et dure environ une heure. Il y a ensuite l’examen de candidature (la candidature doit être déposée avant le 31 mars pour ren- trer en janvier de l’année d’après). Au printemps, il y a un examen organisé en deux fois (une épreuve écrite de synthèse et un oral de trois minutes avec trois sujets au choix). Une fois l’examen passé, une liste de candi- dats est choisie par des syndicats professionnels. Entre le mois d’octobre et la prise de fonction en janvier, une formation spécifique à la rédaction des jugements s’opère au Tribunal. En décembre, un examen a lieu, un cas pratique concret à rédiger en quatre heures.
Lors de nos différentes rencontres dans le cadre de notre partenariat, une question cruciale est apparue particulièrement délicate à traiter dans le cadre des procédures contentieuses : c’est l’évaluation du préjudice. Quels conseils donner à nos lecteurs pour une meilleure évaluation du préjudice ?
Nous faisons des colloques régulièrement sur ce sujet. Il faut justifier le préjudice. Il y a un effort considérable à faire de la part des entreprises par rapport aux avocats. Il faut impérativement leur donner des éléments concrets pour justifier le montant du préjudice subi. Les juristes d’entreprise ont un rôle fondamental à jouer dans l’évaluation du préjudice car ils sont la charnière entre l’avocat et l’entreprise. Il faut anticiper le litige, collecter et préparer les preuves puis quantifier le préjudice. C’est une culture et c’est aux juristes d’entreprise de sensibiliser leurs patrons et leurs services à ce sujet. Il ne faut pas avoir peur de faire appel à des experts extérieurs de façon à donner les informations précises qui permettront au Juge de statuer.
Le Tribunal de Commerce de Paris est l’un des plus importants de France. Au-delà des dossiers franco-français, le Tribunal possède également une chambre internationale. Pouvez-vous nous la présenter ? Quelles sont les solutions proposées à Paris pour faire face à l’internationalisation du contentieux ?
Nous avons effectivement une chambre internationale qui accepte que les pièces ne soient pas traduites à la condition que les parties soient d’accord et dans la mesure où le juge connaît la langue (ce qui est vrai pour l’anglais, l’espagnol, l’allemand et l’italien) en application des dispositions de l’article 23 du CPC. Nous avons mis cela en place cette année et cela commence à se développer. Parfois les débats peuvent aussi se dérouler en langue étrangère, mais le jugement sera toujours rédigé en français.
Propos recueillis par Hervé Delannoy
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