Surfant sur l’actualité chaude, un des ateliers de cette journée portait sur le Brexit, et ses conséquences pour la France. Pour parler de ce sujet plutôt touchy, des invités de choix ont débattu, sous la modération chevronnée de François Vidal, directeur délégué de la rédaction Les Echos.
- Michel Prada, ancien président de l’Autorité des Marchés Financiers,
- Agnès Benassy-Quéré, professeur d’économie à l’université Panthéon Sorbonne et Présidente-déléguée au Conseil d’Analyse Économique,
- Claude Blumann, professeur de droit émérite à l’université Panthéon-Assas,
- Stéphane Boujnah, président du directoire et directeur général d’Euronext,
- Gérard Mestrallet, Président-Directeur Général d’Engie
- et Frédéric Oudéa, directeur général de la société générale
À la question « Le Brexit, est-il une chance pour la France ? », les invités répondent unanimement « Non ! ». Le Brexit n’est donc, selon ces experts, pas une chance pour la France. Pas plus que pour le continent européen. Le réel sujet des débats était alors de savoir comment la France pouvait « make the best out of a bad situation », comme dirait nos amis d’outre-manche.
Difficile d’aborder ce sujet sans parler de la gestion des risques et des conséquences du Brexit sur la principale place financière européenne. La City ayant profité du passeport européen, Londres concentre une masse considérable de capital de banques internationales, mais ne dispose pas d’actifs de banques locales britanniques, peu puissantes. La France, quant à elle, dispose de plusieurs banques importantes et Paris a donc toutes ses chances pour devenir la première place financière d’Europe. Le Gouvernement a d’ailleurs récemment réduit l’impôt sur les sociétés de 33% à 28%, et compte bien multiplier les mesures pour améliorer l’accueil des travailleurs étrangers. Paris détient aussi un autre atout : c’est la seule autre ville globale d’Europe.
Pour l’instant, les jeux ne sont pas faits et le cœur des banques balancent entre Dublin, Francfort et Paris. La seule mesure concrète prise à ce sujet a été la mutation de 1000 employés HSBC de leur siège de Londres à Paris.
Les crédits d’actifs sont faits en Europe et l’horizon qui se profile semble bien plus fédéral. En effet, les économies du continent sont régies par un cadre juridique précis qui a une ambition de convergence. Il ne peut y avoir qu’un hard Brexit, car si le Trésor Britannique ne reconnaît plus la compétence de la BCE, il est impossible de ne pas faire payer de droits de douane.
La menace qui pèse aujourd’hui sur le continent est due au climat d’instabilité, qui a débuté en février 2016. Pour Stéphane Boujnah, il est anormal que « Les États des États-Unis échangent entre eux six fois plus que nous le faisons entre pays européen ! ». Il faut donc faire grossir les échanges pour redresser une Europe en panne. Jusqu’à présent, les Britanniques apportaient un élément de dynamisme à l’Europe, mais ils ralentissaient la construction européenne. Leur départ sonnera aussi la fin du « prétexte Britannique » (pour ne pas dire « non », les pays européens disaient « les anglais ne seront pas d’accord »), ce qui va permettre une clarification nécessaire.
La valeur ajoutée du Royaume-Uni au budget de la France est de 1,6% et la France dégage un excédent budgétaire face au Royaume-Uni, « phénomène suffisamment rare pour être souligné », plaisante Agnès Benassy-Quéré. Les Britanniques ont plus besoin de l’Europe, que l’Europe n’a besoin du Royaume-Uni. Cependant, nous partageons des objectifs communs comme la sécurité ou l’environnement. Il faudra donc être juste, mais ferme, au cours des négociations avec le Royaume Uni.
Enfin, le Royaume-Uni et la France occupaient jusqu’à présent une place spéciale en Europe, puisqu’ils assuraient la défense du continent. La France pèsera donc certainement plus dans l’échiquier géopolitique européen.
Une question reste cependant en suspens : le départ des anglais augure-t-il le début de la déconstruction européenne ? Les prochaines élections en France et en Allemagne nous le diront.
Anissa Katti
@creepyturkey
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