9h14. Les membres du cabinet de Frédéric Sicard s'agitent dans le salon du troisième étage de la maison du barreau. « Monsieur le bâtonnier, Christiane Taubira vient de démissionner. » Surpris par l'annonce, bâtonnier et vice-bâtonnier prennent acte, comme si de la ministre ils n'espéraient plus rien. « Pour avoir confiance il faut de l'éthique », lance la vice-bâtonnière. Et ça tombe bien, car c'est justement ce qui ressort du tweet de Christiane Taubira que Dominique Attias tient à lire aux journalistes, pourtant déjà rivés sur leurs smartphones : « "Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit", tout est dit ! » Aucun reproche n'est lancé à l'encontre de la ministre. La vice-bâtonnière va même jusqu'à reconnaître l'ampleur des chantiers qui pesaient sur ses épaules. Et quant à l'annonce de son successeur, les deux avocats ne laissent encore une fois entrevoir aucune agressivité. L'homme étant pourtant l'un des principaux artisans de la loi Renseignement, contre laquelle la profession s'est largement opposée et avait proposé un rapprochement entre les ministères de l'Intérieur et de la Justice dans un ouvrage paru en 2011. « Nous espérons que son parcours sécuritaire n'est que l'écume des valeurs qu'il porte », poétise Frédéric Sicard qui reconnaît la rigueur et la force de travail de l'ancien président de la Commission des lois. Une réaction sincère, sereine et sans posture. Le message est clair : les avocats attendent de voir, car les enjeux sont importants. Jean-Jacques Urvoas sera-t-il par exemple le ministre de la Justice qui mettra en place un habeas corpus à la française[1] ? Le représentant des 27 000 avocats parisiens semble l'espérer. Des réactions qui tranchent avec celles d'une partie de l'opposition. « Une bonne nouvelle pour le pays ! On peut espérer un peu moins de laxisme et d'idéologie place Vendôme… », tweete François Fillon dans la même veine d'un Eric Ciotti, « Pour une fois où je n'avais pas demandé sa démission... », ironise sans grande éloquence Jean-François Copé. « La seule justice chez Taubira : sa démission », va même jusqu'à lancer Marion Le Pen. Les Français étaient-ils en droit d'attendre d'autres commentaires de la part de ceux qui avaient fait de la ministre leur cible favorite ?
Capucine Coquand