L'avocat est depuis la loi du 14 avril 2011 autorisé à assister son client dès la première heure de la garde à vue. Cette réforme est en partie dû à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme qui a affirmé l'importance du rôle de l'avocat durant la garde à vue (Dayanan c. Turquie,13 octobre 2009). Cependant les avocats mécontents de la nouvelle réforme, affirmaient que leur rôle ne se limitaient que à celui de la représentation.
L'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme dispose en effet que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial. Ainsi, tout accusé a droit notamment à "être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui" ,"disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense" ; "se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur ".
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme affirme de même qu’en vertu de l'équité de la procédure, l'accusé doit être en mesure notamment de discuter de l'affaire, d'organiser sa défense et communiquer sur la recherche des preuves qui lui sont favorables. L'accès au dossier constitue en outre un aspect fondamental dans la préparation de la défense. Un arrêt Lamy c.Belgique du 30 mars 1989 affirme l'existence d'un droit à la communication des pièces qui relèvent d'une importance essentielle pour la contestation de détention. La Cour maintient sa position dans l'arrêt Svipta c. Lettonie du 9 mars 2006.
Le Conseil constitutionnel à ce titre avait été saisi le 23 aout 2011 par une QPC par le Conseil d'Etat. En effet la juridiction administrative a renvoyé devant le Conseil constitutionnel la question de savoir si les articles 62, 63-4-1 et 63-4-5 du Code de procédure pénale sont conformes aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Par trois arrêts du 6 septembre 2011, la Chambre criminelle de la Cour de cassation renvoi à son tour la question de l'accès au dossier devant le Conseil constitutionnel. Plus précisément sont visés les articles 62 alinéa 2, 63-3-1 alinéa 3, 63-4 alinéa 2,63-4-1, 63-4-2, 63-4-3, 63-4-4 et 63-4-5 du Code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel est donc par une deuxième saisine amené à se prononcer sur la conformité de ces articles au principe d'un procès juste et équitable.
Comment comprendre que la Cour de cassation ait saisi le Conseil constitutionnel sans attendre la réponse au QPC du 23 aout? Les arrêts du 6 septembre posent la question du sort d'une QPC identique posée devant l'ordre administratif et l'ordre judiciaire.
En effet, la Cour de cassation aurait pu sursoir à statuer, l'article article 23-5 alinéa 4 de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 stipule que lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi par une QPC, la juridiction sursoit à statuer jusqu'à ce que celui-ci se soit prononcé.
Ainsi, à travers ces arrêts, nous pouvons constater que la QPC et la question des libertés fondamentales transcendent le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives.
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Article publié sur le site www.lepetitjuriste.fr