Handicap : quelle place dans les professions du droit

Handicap : quelle place dans les professions du droit

© Olivia Vignaud

Matthieu Juglar, avocat et président de l'association Droit comme un H.

72 % des cabinets d’avocats n’ont pas de processus de recrutement spécifique adaptés aux personnes en situation de handicap. L'association Droit comme un H propose des solutions pour faciliter le recrutement de ces profils.

Ce mardi, l’association Droit comme un H - présidée par l’avocat aveugle de naissance Matthieu Juglar - présentait les résultats de la première enquête sur la place du handicap dans les professions du droit. La méthodologie, et surtout l’échantillon de l’étude, en disent long sur le travail qu’il reste à mener. En effet, sur 150 questionnaires envoyés à des cabinets d’avocats, seuls 11 ont été complétés et 60 structures ont dû être relancées par téléphone afin de glaner des informations complémentaires. "Les gens n’avaient pas envie de répondre car ils ne savent pas quoi répondre", a commenté Stéphane Baller, délégué général de l’association, avocat et professeur associé d’économie à Paris 2.

 

L'état des lieux

 

Cette initiative, a tout de même permis de dresser un état des lieux, d’autant que les 11 participants représentent un effectif total de 1 628 personnes. Quels en sont les principaux enseignements ? 54 % des cabinets estiment avoir mis en place une politique RSE (égalité des genres, liberté d’opinion, de choix de religion, etc.), mais qui ne mentionne pas le handicap.

 

Dans le détail, 53 % des répondants n’ont pas eu l’occasion de recruter un avocat en situation de handicap. Par ailleurs, 72 % des cabinets n’ont pas de processus de recrutement spécifique adaptés à ces derniers. Pour les structures qui ont procédé à ce type de recrutement "par hasard", celles-ci ont néanmoins un excellent retour d’expérience. Elles sont 70 % à estimer que la sensibilisation des collaborateurs et des associés serait une première étape pour améliorer le processus de recrutement et d’intégration.

 

En effet, celle-ci se joue à plusieurs niveaux. Lors des échanges ce mardi entre les personnes présentes à la table ronde et la salle sur le sujet, s’est posée la question des stages (à partir de la troisième pour éviter que les jeunes ne s’auto-censurent dès le collège dans leurs choix d’études), de la sensibilisation des enseignants, de l’adaptation des épreuves de droit et en particulier du CRFPA. Toutefois, c’est surtout le recrutement qui a été au cœur des discussions puisqu’étudiants, actifs en situation de handicap et employeurs étaient présents.

 

L'importance de la pédagogie

 

Les personnes en situation de handicap ont livré leur expérience et toutes n’ont pas eu la même approche. Certains n’ont pas notifié cette spécificité lors de leurs recrutements et le regrettent avec le recul. D’autres ont été plus à l’aise avec le sujet, mais non sans difficultés. "Cela met toujours une gêne au moment d’en parler ou quand il faut justifier à nouveau que l’on ne peut pas faire telle ou telle chose", a indiqué Dylan Chicano, élève-avocat. "J’ai pris le parti de l’écrire sur mon CV. Je veux de la transparence avec la personne avec qui je vais travailler", a affirmé pour sa part Valentin Tonti Bernard, étudiant au sein du MSc X-HEC Entrepreneurs, qui, malvoyant, s’est vu refuser une épreuve adaptée pour passer le CRFPA.

 

Il faut dire qu’il y a également une diversité des handicaps, avec les visibles d’un part et les invisibles d’autre part. « Certains handicaps n’ont aucun impact sur la production », a rappelé Stéphane Baller. Valentin Tonti Bernard précise, lui, aux recruteurs ce qu’il est en mesure de faire ou non. Parmi ses propositions pour améliorer la situation : mettre en binômes des personnes totalement valides et handicapées dont les aptitudes dans le travail sont complémentaires. "Les personnes en situation de handicap ont des compétences que l’on n’a pas car elles n’ont pas la même histoire", a poursuivi Stéphane Baller.

 

Créations de labels

 

Les recruteurs engagés ont, eux, mis l’accent sur deux choses. D’abord le fait que quelle que soit la taille de leur entreprise, les initiatives sont souvent personnelles, que ce soit pour informer sur le sujet en interne que pour recruter des personnes en situation de handicap. Ensuite, que les candidats ne lèvent pas toujours le voile sur leur état. Ce qui peut rendre inexplicable des trous dans les parcours, par exemple.

 

"Ce qui me frappe, c’est le manque d’information, a insisté Sarah Leroy, directrice juridique de Tereos. Du côté de ceux qui sont porteurs d’un handicap et qui se disent ‘je ne le partage pas’. Du côté des entreprises, qui ne sont absolument pas formées. Elles ont besoin d’être confrontées au handicap et de se préparer à des handicaps différents." La situation est d’autant plus regrettable que la diversité est un véritable moteur et atout pour les équipes.

 

Pour pallier ces multiples manques, l’association Droit comme un H lance notamment un premier label d’engagement des professions du droit en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap. Les structures peuvent être auditées par l’organisme. À l’issue de ce rendez-vous pourra leur être décerné un label et un niveau (bronze, argent et or) : TousHanRobe pour les avocats, JuristeHentreprise pour les directions juridiques fiscales et sociales. L'organisme sera également présent au Forum des Carrières Juridiques, du 3 décembre au Pavillon d’Armenonville. Deux étapes concrètes pour faire avancer la cause.

 

Pour en savoir plus sur le droit et le handicap : https://www.magazine-decideurs.com/news/des-professionnels-comme-les-autres

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