Fouille des avocats au sein des tribunaux, réalité ou fiction ?

Fouille des avocats au sein des tribunaux, réalité ou fiction ?

Lundi 4 janvier, Sonia Ben Mansour, avocate au barreau de Paris se rend au Tribunal d'instance de Pantin, où elle a été soumise à un contrôle de sécurité inhabituel. 

Arrivée au tribunal d'instance afin de soutenir une demande de renvoi, je présente ma carte professionnelle à l'agent de sécurité. Contrairement à ce qui se fait habituellement, celui-ci me demande de passer sous le portique et d'ouvrir ma mallette contenant mes dossiers et ma robe d'avocat. Je lui rappelle que les avocats sont dispensés d'effectuer ce contrôle de sécurité en raison du secret professionnel qui nous incombe.


Un responsable arrive m'indiquant que tous les avocats sont soumis à cette nouvelle règle en vigueur depuis l'incident du 29 octobre 2015 au Tribunal de grande instance de Melun (Seine-et-Marne) où un avocat, Joseph Scipilliti, a ouvert le feu en pleine salle d'audience, blessant gravement le bâtonnier de Melun [1] avant de retourner l'arme à feu contre lui et de se donner la mort. Je ne peux alors cacher mon étonnement car je n'étais pas au courant d'un tel changement concernant tous les avocats et ce, d'autant plus que je me suis rendue quelques jours auparavant au tribunal de grande instance de Melun sans être contrôlée en tant qu'avocat.  


De retour au cabinet, une vérification s'imposait. Aucun texte en vigueur ne fait mention de ce changement. Aucun confrère n'est par ailleurs au courant d'une éventuelle fouille des avocats dans un tribunal.


Ce jour-là, les avocats présents au tribunal d'instance de Pantin adoptaient deux attitudes : l'étonnement ou l'acquiescement à ce contrôle de sécurité.


Ces attitudes reflètent les deux positions actuelles des avocats :

- L'une consistant à défendre la pratique selon laquelle les avocats ne sont pas fouillés au sein des juridictions en présentant leurs cartes professionnelles

- L'autre consistant à admettre que le contrôle de sécurité soit applicable aux avocats.  


Suite au drame qui s'est déroulé au Tribunal de grande instance de Melun, doit-on modifier la pratique actuelle ?


La question a été posée par Monsieur Alain Houpert le 12 novembre 2015 [2] : pourquoi les hommes et les femmes de loi échappent-ils à cette obligation de contrôle ? Selon lui, toute personne qui accède à une juridiction devrait être automatiquement contrôlée.


Cette question est actuellement en attente de réponse du Ministère de la justice.


La réponse me semble évidente face aux ressentiments que j'ai pu avoir au Tribunal d'instance de Pantin.  Le contrôle de sécurité jette la suspicion sur l'avocat, rempart des libertés, défenseur des justiciables. Lors de notre prestation de serment, nous jurons " comme avocat d'exercer (nos) fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité[3].Il serait regrettable qu'un événement tragique isolé bouleverse la pratique actuelle.  


Quant à la question : fouilles des avocats dans les tribunaux, réalité ou fiction ? Il semblerait que seul le temps nous éclairera sur la réponse à apporter.

 


Sonia Ben Mansour

Avocat à la Cour

Doctorante à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne


Crédit photo : 20minutes.fr


[2] Fouilles des avocats dans les tribunaux, 14ème législature, question écrite n°18752 de M. Alain HOUPERT (Côte-d'Or-Les Républicains), publiée dans le JO Sénat du 12 novembre 2015 – page 2625

[3]  Loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (article 2)