Par nature, les professions libérales, dont les avocats, ne répondent à aucune contrainte horaire, libres d’organiser leur temps de travail comme bon leur semble. Cette catégorie de travailleurs est perçue comme celle qui « ne compte pas ses heures ». Pourtant, lorsqu’on lui demande si elle estime travailler trop, la part qui répond oui est particulièrement faible, la plupart des robes noires considérant avoir des horaires plutôt convenables. En y regardant de plus près, notons que parmi les avocats satisfaits de leurs horaires, 38,6 % comptabilisent entre trente et quarante heures facturées par semaine et 25 % en comptabilisent plus de quarante.
Autrement dit, la plupart de ceux qui ont répondu au questionnaire se disent satisfaits de leurs horaires alors même que leur rythme de travail est très soutenu. Ce constat concerne 31,8 % des avocats qui exercent dans des petits cabinets, 36,3 % de ceux qui exercent dans des cabinets de taille moyenne et 31,8 % de ceux qui exercent dans des grands cabinets ou des structures internationales. Ce sentiment de satisfaction pourrait se comprendre par le fait que les étudiants en droit ont l’habitude, dès le commencement de leur formation, de fournir une très grande quantité de travail et que les universités préparent ceux qui choisissent l’avocature (en 2016, ils sont 45,5 % diplômés d’un master 2 à avoir choisi cette voie) à leurs futures conditions de travail le plus tôt possible. Avant même leur entrée dans la profession, les apprentis avocats sont sensibilisés, grâce aux stages en cabinet notamment, au quotidien qui les attend dès leur prestation de serment. Prenant le parti d’accepter cet état de fait, ils seraient moins nombreux à
manifester leur insatisfaction une fois en exercice.
PLACE DE LA CLIENTÈLE PERSONNELLE DANS L’ACTIVITÉ DES AVOCATS
L’obligation de développer une clientèle personnelle est inscrite dans le code de déontologie des avocats (article 14.1 du règlement intérieur national de la profession d’avocat) : le cabinet dans lequel ils exercent
doit leur offrir les conditions de leur propre développement, cela est inhérent à la profession d’avocat. Un principe laissant supposer que les robes noires, dès le début de leur carrière, s’appliquent à dégager du
temps pour mener à bien cette tâche. La réalité demeure pourtant bien différente puisque 79,6 % des avocats interrogés consacrent moins de 10 % de leur temps de travail au développement de leurs propres clients.
D’ailleurs, seuls 11,1 % se sont constitué une clientèle personnelle significative quand plus de 30 % concèdent n’en avoir aucune, et ce, sans doute parce qu’ils croulent sous les dossiers que leurs managers leur
confient. Ces chiffres laissent penser que certaines structures facilitent plus que d’autres l’autonomie. On pourrait même croire que les grands cabinets sont plus enclins à suivre l’article 14.1 du règlement régissant la profession d’avocat que les petites boutiques. L’enquête démontre cependant l’inverse dans la mesure où, parmi les avocats ne consacrant que peu de temps au développement de leur clientèle, 30,1 % exercent dans des petites structures et 66 % proviennent de structures moyennes ou importantes. Le management des équipes est sans doute l’un des paramètres qui explique ces chiffres.
LA QUALITÉ DU MANAGEMENT DANS LES CABINETS D’AVOCATS
Plus de 40 % des avocats interrogés considèrent que le management au sein de leur cabinet est moyen voire mauvais. Un constat sévère dressé conjointement par les collaborateurs, les indépendants, les counsels et même les associés. Les premiers, c’est-à-dire, les avocats les plus jeunes, constituent la part la plus importante des insatisfaits. Un taux plutôt logique dans la mesure où ce sont eux qui ont besoin d’être managés. D’ailleurs, parmi les 40 % cités plus haut, 58,3 % ont moins de cinq années de barreau derrière eux. La part d’insatisfaits varie en fonction de la taille du cabinet : les avocats des petites structures
sont en effet plus nombreux à critiquer le management puisqu’ils représentent 66,6 %. Les cabinets plus grands, en raison du nombre importants d’avocats à manager, tirent certainement avantage d’une
meilleure organisation puisque seuls 33,3 % d’avocats provenant de grandes structures considèrent que le management est mauvais.
L’IMPACT DE LA PRESSION HIÉRARCHIQUE
Les avocats interrogés sont 37 % à considérer que la pression de leur hiérarchie est forte, et trop forte pour 14,8 % d’entre eux. Ils sont à 89,2 % parisiens et à 35,7 % dans un cabinet de dimension importante
ou internationale. Autrement dit, plus la structure est grande, plus les sources de stress se multiplieraient. Les femmes seraient aussi plus nombreuses que les hommes à subir la pression. Parmi les professionnels qui jugent la pression hiérarchique forte ou trop forte, 60,7 % sont des avocates. Une forte proportion qui expliquerait qu’elles représentent moins d’un quart des associés des cabinets d’affaires (lire
le baromètre de la mixité réalisé par Décideurs et le Cercle Montesquieu en 2013).
À ce sujet, le chasseur de têtes Yves Boissonnat ne mâche pas ses mots. Pour lui, ce phénomène s’explique notamment par la persistance d’une certaine misogynie : « Il existe un plafond de verre : les cabinets d’avocats sont le reflet de la société française, qui laisse moins de chances aux femmes qu’aux hommes. »
PENSEZ-VOUS AVOIR TROUVÉ UN ÉQUILIBRE ENTRE VIE PRIVÉE ET VIE PROFESSIONNELLE ?
Finalement, les avis sont particulièrement partagés sur la question de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Aucune catégorie ne se détache, les mécontents(e) étant aussi nombreux(ses) que les satisfait(e)s. Une balance qui s’éloigne des chiffres relevés par l’Union nationale des associations familiales dans son baromètre d’avril 2017 selon lequel le sentiment de manquer de temps au quotidien serait
partagé par 71 % des Français. Les avocats seraient-ils mieux lotis que la majorité des actifs, ou simplement moins exigeants ?