Si vous venez d’être reçu au CAPA, vous devrez bientôt prêter serment. Vous remplirez le formulaire du Conseil national du barreau pour obtenir votre première carte professionnelle. Et si vous êtes une femme, vous devrez faire un choix. A côté de votre nom, prénom, année de prestation de serment, on vous demandera comment vous préférez être appelée : avocat ou avocate ?
« Pour moi, ça paraissait évident : avocate. Ça peut être assez militant mais en réalité ça devrait être la norme ». Zoé Royaux est avocate au barreau de Paris et pour la Fondation des femmes. Elle est aussi ancienne secrétaire de la Conférence – et non ancien. Un titre qu’elle a eu du mal à féminiser chez son imprimeur « J’ai voulu faire mes cartes de visite dans une papeterie place Dauphine. Le vendeur m’a dit que ce n’était pas possible. Il a essayé de m’en dissuader. Pour lui, ça faisait moins sérieux ».
Le sérieux du titre, nécessaire à la fonction
Maître Royaux explique qu’utiliser pour soi le terme d’avocate permettrait de faire évoluer les mentalités et d’imposer son usage dans le langage. « Aujourd’hui on dit une journaliste, une boulangère, une fermière. Et ça ne dérange personne. Mais plus on monte dans la hiérarchie sociale, plus le masculin doit l’emporter. Docteur, président, secrétaire, bâtonnier. Ce n’est pas normal. » dit-t-elle.
Daphné Pugliesi partage ce constat. Au barreau de Paris, elle a cependant choisi de se faire appeler avocat. « J’ai l’impression que lorsqu’on dit avocat, on voit quelqu’un en train de défendre ses clients et en train de plaider tandis qu’avocate, on se dit surtout que c’est une femme-avocate. ». Pour elle, ni la profession ni les clients ne sont prêts à utiliser ce terme. « Ce n’est pas en faisant du forcing que les choses vont évoluer. Aujourd’hui, avocate n’est pas l’équivalent d’avocat ».
Utiliser le terme avocate pour l’imposer dans le langage usuel est-il efficace ?
C’est ce que pense Michèle Bauer, avocate au barreau de Bordeaux, « Cela permet de faire entrer dans les mœurs la féminisation de la profession ». L’auteur de la « petite lettre à nos chers confrères misogynes », estime que chacun doit pouvoir être libre de son choix, sans que cela ait de conséquence sur l’exercice de sa fonction.
Car aujourd’hui, 55% de femmes composent la profession selon le Conseil national des barreaux. Ce chiffre, Caroline Bardot-Lafitte en avait fait un discours en 2013 lors de la conférence du barreau de Toulouse. Elle y expliquait avoir choisi le terme d’avocat pour se définir, car « c’était quelque chose de tellement acquis. Je n’ai jamais subi d’inégalités ou de différence de traitement du fait d’être une femme ».
Consciente d’avoir grandi dans un milieu privilégié, elle explique qu’« au-delà de l’égalité entre les genres, je pense plus dans une logique de complémentarité ». Ce n’était pas un symbole et elle ne souhaitait pas « entrer dans le débat ». Elle dit pourtant l’avoir avec ses amies « au moins une fois par an ». Avocat ou avocate, il alimente encore les discussions au sein de la profession. « Pour moi ça va passer dans le langage, on va être amenés à féminiser les titres. Coiffeuse, vendeuse. Il faut aller au bout du raisonnement » nous explique-t-elle. En attendant, le tout est de choisir en son âme et conscience.