Une grogne répétée
La colère n’est pas récente. En 2013, les avocats manifestaient déjà contre un projet qui visait à diminuer le montant de l’aide juridictionnelle et avec elle l’indemnisation des avocats chargés de défendre les plus précaires[1]. La Garde des Sceaux avait alors annoncé le report de la mesure. Impatients, les avocats avaient imposé une grève du secteur assisté un an plus tard. Mais c’est au début du mois de septembre dernier que la question est finalement revenue sur le devant de la scène. Appelant à la discussion, la Chancellerie a transmis aux avocats un document de négociation. Si l’on en croit ce dernier, la réforme serait divisée en deux textes : le projet de loi de Finance pour 2016 et le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle. Le premier, plus avancé que le second, prévoit une augmentation globale du montant pour adapter d’une part la rétribution des avocats et faire du CNB un acteur mieux identifié en matière d’AJ, et d’autre part renforcer l’accès au droit et à la médiation d’autre part. La réforme prévoit notamment un ajustement à la baisse pour les gardes à vues. Des mesures qui sont loin de convaincre l’avocature.
Une révolte généralisée
« Nous avons quitté la table des négociations place Vendôme», a lancé Pierre-Olivier Sur, le bâtonnier du barreau de Paris interrogé sur Sud Radio jeudi dernier. « Bercy nous prépare un projet de loi de Finance consistant à ponctionner de l’argent de la profession, comme si on demandait aux médecins de financer le trou de la sécurité sociale », s’indigne l’ambassadeur des avocats parisiens. Même grogne au CNB. Dans un communiqué, l’organe représentatif national déclare avoir « refusé à l’unanimité », l’ensemble des propositions que le projet de loi de finance comporte. Du côté du Syndicat des avocats de France, on craint même que le projet ne mette « fin à une mesure socialement fondamentale. »[2] Et appelle à une manifestation des représentants de la profession à l’occasion du Congrès des avocats le 9 octobre prochain. Sans réaction de la part de l’exécutif, le syndicat menace de demander aux bâtonniers de cesser toute désignation au titre de l’aide juridictionnelle, et aux avocats de cesser de prêter volontairement leur concours au titre de l’aide juridictionnelle, voire même d’engager des recours contre l’Etat sur le fondement des articles 4 et 5 de la Convention Européenne des droits de l’Homme. Des menaces concrètes aussi du côté du barreau de Paris. « Nous allons faire monter le mécontentement par des moyens désagréables de blocages de la construction de la tour du nouveau palais de Justice », a déclaré Pierre-Olivier Sur.
Une union des forces vives de la profession suffisamment inhabituelle, qui laisse présumer la complexité des négociations à venir.
Capucine Coquand
[1] Pourquoi les avocats sont-ils en grève ce jeudi 5 juin ?, Carrières-Juridiques.com, 5 juin 2014.
[2] Communiqué du Syndicat des Avocats de France en date du 24 septembre 2015.