« Le recours à la justice est gratuit, mais il est onéreux dans la pratique, si bien que les justiciables sont amenés à y renoncer », nous explique Jérémie Assous, l’avocat cofondateur du site Actioncivile.com. L’idée de base est simple. C’est en agissant collectivement que chaque victime de pratiques abusives d’une ou plusieurs entreprises aura une chance d’en obtenir réparation. Avocats, particuliers, associations peuvent donc soumettre des propositions d’actions au site. En un an, Actioncivile.com a pu traiter une dizaine d'actions sur les 15 000 propositions reçues. C'est après un audit juridique sur le potentiel de réussite de l'action que celle-ci est est mise en ligne. Les plaignants peuvent alors s’y inscrire et constituer un dossier prêt à être communiqué au tribunal compétent. Bénéficiant d’une technologie aboutie, l’inscription sur le site est simple, rapide, efficace et gratuite. Une fois qu’un nombre suffisant de plaignants est inscrit, une médiation est engagée avec la société concernée dans le but d’obtenir une réparation amiable. En cas d’échec, le site propose aux plaignants de saisir le tribunal en ligne. Dans ce cas et contrairement à la critique de la part de certains journalistes, le site ne laisse pas les plaignants seuls face à la justice. Il leur propose d'être accompagnés par un des avocats du réseau Actioncivile.com et va même jusqu’à prendre en charge leurs honoraires. A ce stade, la question centrale est celle de la rémunération du site. La réponse est facile: les utilisateurs du site ne déboursent rien. Celui-ci se rémunère sur un pourcentage des sommes récupérées par les plaignants, que ce soit après la médiation ou après la procédure judiciaire.
Le système plait. Depuis son ouverture il y a un an, le site a su convaincre plus de 250 000 inscrits. S’il a vocation à intervenir dans un maximum de secteurs, certains domaines comme les assurances, les télécoms, les banques ou encore les transports sont récurrents. Actuellement, une action est notamment menée à l’encontre de SFR sur la surfacturation des appels à la Réunion ou encore de Free Mobile à propos du réseau mobile défaillant, regroupant pour l’instant 11 289 plaignants. Le site a particulièrement fait parler de lui avec l’action contre les sociétés concessionnaires d’autoroute, à propos des tarifs abusifs des péages. L’affaire a notamment été mise en lumière dans les médias par l’ancienne ministre, Corinne Lepage qui résume parfaitement le but mené par le site internet. « L’objectif est de réunir le plus grand nombre de gens de manière à peser et mettre fin à ce scandale », a-t-elle exprimé sur les ondes France Inter le 13 février dernier. Cette action réunit aujourd’hui 47 622 plaignants. L’indemnité moyenne prévue pour chaque plaignant est estimée par le site à 235 euros.
Véritable plateforme d’action collective, le site repose sur un travail harmonieux des monde de l'internet et du droit. « Nous travaillons avec un groupe d’une dizaine d’avocats et nombreux sont ceux qui souhaitent nous rejoindre », nous explique Jérémie Assous. Le site viendrait satisfaire les avocats déçus de leur exclusion des actions de groupe par la loi Hamon, celle-ci prévoyant que seules seize associations de consommateurs sont autorisées à engager des actions de groupe. Séduits par le concept, plusieurs « stars du barreau » tels qu’Eric Dupond-Moretti, Thierry Herzog, Jacqueline Laffont, Pierre Haïk ou Thierry Lévy ont d’ailleurs rejoint les rangs d’Actioncivile.com. Si son grand frère, le site Demanderjustice.com n’a pas toujours fait l’unanimité dans la profession qui voyait d’un mauvais œil cette digitalisation du droit, le site Actioncivile.com semble pour sa part remporter un franc succès. « Les critiques de certains de nos confrères ont pour seul fondement la méconnaissance. Lorsque nous leur expliquons, ils sont séduits par le site », ajoute Jérémie Assous. Le site aurait également reçu le soutien des pouvoir public. « Le ministre Michel Sapin a salué l’action collective menée par Actioncivile.com contre les sociétés concessionnaires d’autoroute. Critiquer Actioncivile.com, c’est un peu comme critiquer Legifrance », va jusqu'à argumenter celui qu’on appelle désormais « l’avocat de la téléréalité ». Loin de vouloir s'arrêter en si bon chemin, Jérémie Assous voit grand. « Nous souhaitons développer le site à l’étranger, tout d’abord aux Etats Unis, puis certainement en Espagne et en Angleterre ».
Difficile donc de trouver des points négatifs à ce site qui semble avoir toutes les clefs en main pour grandir et continuer d’offrir des solutions à des milliers de consommateurs impuissants face aux professionnels de la consommation.
Capucine Coquand