Après ce passage en commission spéciale, le projet de loi Macron n’est plus tout à fait le même, si bien que celui-ci, baptisé initialement projet de loi « pour la croissance et l’activité »,revêt désormais l’appellation de projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ». Le texte ainsi adopté est pourtant susceptible d’évoluer encore puisque prochain rendez-vous est fixé le 26 janvier, date à partir de laquelle le projet de loi Macron sera examiné en séance publique par les députés, puis par les sénateurs. Avec le passage en commission le texte a sensiblement évolué, toutefois, on peut dire que le volet concernant la réforme des professions réglementées - contenue dans le titre premier - n’est pas le plus touché par les modifications apportées. « Ainsi tous les équilibres importants proposés par le Gouvernement ont été approuvés par la commission qui a enrichi les aspects essentiels du texte », assure un communiqué de Bercy. Désormais, voici à quoi ressemble (entre autres) la réforme des professions juridiques :
- La postulation territoriale des avocats et des huissiers
La postulation territoriale des avocats est élargie au niveau des Cours d’appel : les avocats exerçant dans le ressort d’une même Cour d’appel pourront agir directement devant tous les TGI de cette cour, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. Les huissiers voient également leur compétence étendue au niveau des Cours d’appel au lieu du seul ressort des TGI aujourd’hui. Cette mesure deviendra effective un an après la promulgation de la loi, à l’instar de l’extension de la postulation territoriale des avocats. La commission spéciale a néanmoins adopté un amendement censé assurer l’accès au droit grâce au maintien d’une postulation devant le TGI pour certaines actions en justice.
- L’ouverture au capital
La commission a adopté les mesures relatives à l’ouverture du capital. Les professions du droit pourront créer des sociétés au sein desquelles ils pourront exercer, offrir des services et détenir ensemble le capital. Ces sociétés devront respecter les règles déontologiques et de prévention des conflits d’intérêts propres à chacune de ces professions. Les experts comptables pourront également être associés aux structures d’exercice à la condition, lorsqu’il s’agit d’une personne morale, que le capital de leur société associée soit exclusivement constitué d’experts comptables. « Ce dispositif permettra l’émergence d’un nouveau modèle français: des sociétés interprofessionnelles ouvertes à toutes les professions du droit et aux experts comptables, mais excluant les capitaux extérieurs à ces professions notamment d’origine financière (banques, assurances, fonds d’investissements, structures d’audit internationales, etc). »
- Le tarif des professions réglementées du droit
Tous les tarifs des professions réglementées du droit seront arrêtés par le ministre de la Justice et le ministre de l’Economie, après avis de l’Autorité de la concurrence. Ces nouveaux tarifs pourront donner lieu à des adaptations pour les actes importants dans une fourchette de 30 % autour d’un prix de référence. Les tarifs des petits actes seront fixes, en particulier les actes d’exécutions judiciaires. Ils feront l’objet d’une révision régulière sur proposition de l’Autorité de la concurrence – qui pourra prendre en compte l’avis des associations de consommateurs - sur la base d’une évaluation des coûts réels. Les prix devront être affichés pour assurer une meilleure information des usagers.
- La liberté d’installation des professions réglementées du droit
Le principe de la liberté d’installation des professions réglementées du droit est posé tout en étant régulé. C’est ce que proposait le projet de loi tel que présenté en Conseil des ministres. L’Autorité de la concurrence qui, il y a quelques jours, avait rendu un avis favorable sur cette mesure, sera en charge de déterminer les zones où cette liberté pourra s’exercer sans contrainte autre que la nécessité de bénéficier de toutes les qualités légales pour exercer. Le ministre de la Justice pourra refuser l’installation en raison des risques identifiés sur la continuité d’exploitation des offices existants. Afin de ne pas déstabiliser les professionnels déjà en place, l’Autorité de la concurrence devra organiser, via sa cartographie, la mise en œuvre progressive de cette liberté.
- La gestion de l’information légale sur les entreprises
L’Institut national de la propriété industrielle (INPI) pourra désormais mettre à disposition, selon un protocole de libre accès au domaine public, l’ensemble des données du Registre du commerce des sociétés. Les greffiers des Tribunaux de commerce transmettront les données qu’ils collectent et mettent en forme pour le compte de l’Etat sous un format interopérable et gratuit à l’INPI.
- Age limite d’exercice
Le projet de loi Macron prévoit désormais une limite d'âge pour les notaires, huissiers et commissaires-priseurs, fixée à 70 ans.
- Périmètre d’exercice des clercs assermentés
Conformément à l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence il y a quelques jours, la réforme va supprimer le dispositif qui permet aux clercs assermentés de recevoir certains actes à la place du notaire.
Toutes les mesures essentielles proposées par le Gouvernement, au sujet des professions juridiques réglementées, auraient donc été réellement validées ? Faux. Bercy emprunte un raccourci un peu rapide en affirmant cela et semble oublier au moins deux dispositions qu’il arborait bien haut, il y a encore très peu de jours :
- L’avocat en entreprise
La création du statut d’avocat en entreprise est probablement la mesure envisagée qui a nourri le plus de débats. Définie à l’initiative d’Emmanuel Macron (et pas toujours par l’ensemble du gouvernement ; ne citons que la Garde des Sceaux, Christiane Taubira…), cette proposition avait obtenu l’approbation du barreau de Paris qui marquait dès lors son opposition au Conseil supérieur national des barreaux (CNB) qui, lui, n’a jamais cessé d’exprimer son désaccord avec cette hypothèse. Gain de cause pour ce dernier : un amendement adopté par la commission spéciale supprime la proposition de création par ordonnance du statut d’avocat en entreprise.
- Les bureaux secondaires
Contrairement aussi à ce que souhaitait le Gouvernement, la commission spéciale a décidé de conserver le régime d’autorisation préalable des Ordres concernant la création de bureaux secondaires. Un autre amendement précise que « L'avocat satisfait à ses obligations en matière d'aide judiciaire et de commission d'office au sein de son bureau principal et de son bureau secondaire ».
A priori pas de rancunes du côté du ministère de l’Economie qui affirme dans son communiqué que l’adoption de tous ces amendements parlementaires « atteste de la qualité de travail en commun réalisé par le Gouvernement et les députés ». Un travail qui aurait permis selon Bercy de « préciser, améliorer, et enrichir les dispositions du projet de loi ».
Juliette DE CLERMONT TONNERRE
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