Carrières-juridiques.com. Quelle est la situation de la médecine légale en France ?
Julien Comte. On observe une bonne formation générale des médecins légistes au niveau national. La profession doit cependant affronter un manque de moyens important et connaît un paradoxe certain.
Il nous est ainsi demandé de réaliser un travail de qualité avec des moyens limités. Ce manque de moyens entraîne alors un manque de postes et les jeunes voulant devenir médecins légistes peuvent ainsi rencontrer des difficultés pour trouver un emploi. On constate également des inégalités d’activités selon les lieux de travail.
Cj.com. Quelle est la composition d’une UMJ ?
J. C. Les UMJ sont essentiellement composées de médecins légistes, de psychiatres, de psychologues, d’infirmières, d’aides-soignantes et enfin de représentants d’associations d’aide aux victimes.
Il existe également des équipes mobiles, chargées de se rendre sur des scènes de crimes afin par exemple d’effectuer des levées de corps, rencontrer des victimes hospitalisées, se déplacer dans des commissariats ou au dépôt des tribunaux pour effectuer des examens de compatibilité de la garde à vue.
Cj.com. Pouvez-vous nous expliquer ce dont traite exactement une UMJ ?
J. C. L’UMJ doit tout d’abord être différenciée de l’Institut Médico-Légal (IML).
Les UMJ traitent en effet de la médecine légale du vivant contrairement aux IML spécialisés dans la thanatologie et ainsi dans la réalisation d’autopsies et/ou d’examens externes.
Les UMJ n’agissent que sur réquisition des officiers de police judiciaire (OPJ) et n’interviennent qu’après la constitution de la plainte et avant la qualification des faits.
L’UMJ intervient sur différents points :
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Elle procède à l’examen médical de toute victime d’infraction pénale.
Cette dernière a, lors de son dépôt de plainte, reçu une réquisition judiciaire d’examen médical délivrée par un service de police ou de gendarmerie.
A la suite de cet examen, le médecin établit un certificat descriptif du retentissement physique et psychologique observé et détermine une incapacité totale de travail (ITT) qui servira d’indication au magistrat.
Il faut préciser que l’ITT est à distinguer de l’arrêt de travail, il faut prendre en compte, pour la déterminer, l’incapacité de réaliser les actes de la vie quotidienne, on prend également en compte le plan psychologique.
Le rapport médical est ensuite remis au service de police ou de gendarmerie qui a établi la réquisition afin d’être joint à la plainte.
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Elle effectue également des examens de détermination d’âge osseux. Ces examens concernent des gardés à vue ou des individus sans papiers se disant mineurs.
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Les médecins réalisent aussi des examens de compatibilité de garde à vue.
Lors de la garde à vue, l’officier de police judiciaire est tenu de demander à l’individu concerné s’il désire voir un médecin. En cas de réponse positive, l’officier dispose de trois heures pour contacter l’UMJ. Le médecin doit ensuite se déplacer le plus rapidement possible.
Il vérifie ainsi que la situation du gardé à vue est compatible avec le régime auquel il se trouve soumis, s’il a des allergies particulières ou s’il prend un traitement journalier dont il ne peut se passer. Il est également demandé s’il n’y a pas eu de violences policières et si la garde à vue se déroule bien.
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Nous procédons aussi à des levées de corps et à des examens externes de cadavres : il ne s’agit pas ici de réaliser une autopsie, mais d’effectuer un examen externe du cadavre sur le lieu où il a été découvert et de prendre ainsi en considération les éléments de contexte propres au lieu. L’examen externe peut également être pratiqué en chambre mortuaire si le corps a déjà été déplacé. Nous regardons si les traces retrouvées laissent supposer l’intervention d’un tiers dans la mort de la victime.
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Enfin, le médecin peut également être désigné pour effectuer une expertise pénale. Il doit dans ce cas répondre à des questions très précises posées par les magistrats de l’ordre judiciaire. Cette phase intervient après la qualification des faits et avant le jugement. Le cas échéant, le médecin pourra être amené à se déplacer au tribunal pour intervenir en tant qu’expert au cours du jugement.
A Créteil, par exemple, 50% de l’activité de l’UMJ concerne l’examen médical de victimes d’infractions en tout genre, 45% traite des examens de gardés à vue et enfin 5% consiste en des levées de corps.
Cj.com. Quels sont les principaux enjeux de l’UMJ ?
J. C. Les principaux enjeux de l’UMJ sont de fournir des réponses à des questions que posent les procureurs à travers les officiers de police judiciaire.
Il s’agit également de traiter des situations urgentes sans négliger des détails qui pourraient se révéler importants dans la suite de la procédure.
L’évaluation de l’ITT est ainsi non négligeable car elle sert d’indication au magistrat, elle va l’aider à qualifier les infractions et à déterminer la peine afférente. De même, un rapport prouvant qu’un suicide s’avère en réalité être un meurtre maquillé va changer le traitement du dossier et permettre au magistrat de prendre les dispositions nécessaires.
Cj.com. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’activité des IML ?
J. C. La thanatologie a pour objet de déterminer si l’intervention d’un tiers a eu lieu dans le cadre d’un décès.
Ainsi, tous les homicides, suicides, décès sur la voie publique, décès en détention, décès du sujet jeune, décès de certaines personnalités et, enfin, les décès sur le lieu de travail sont susceptibles d’être soumis à une autopsie, selon la recommandation n° R (99)3 du Conseil de l’Europe.
Cj.com. Comment se déroule un entretien médical à l’UMJ ?
J. C. Lors d’un entretien médical, le médecin demande à la victime de rappeler les faits qu’elle dit avoir subis, on peut également, en fonction des infractions, demander des précisions quant au contexte familial ou conjugal. L’examen se trouve orienté selon les doléances et comporte une double dimension.
On examine ainsi le plan physique (le retentissement fonctionnel et l’observation de lésions) mais aussi le plan psychologique. Les mineurs et les victimes d’infractions sexuelles font quant à elles l’objet d’un examen complet.
Il est également important de préciser que les psychologues composant la structure n’ont qu’un rôle d’évaluation du retentissement psychologique et ne sont pas là pour effectuer de thérapie. Les victimes nécessitant un suivi psychologique à la suite d’un retentissement psychologique anormal ou en cas de présence de violences chroniques sont ainsi renvoyées vers des médecins ou psychologues externes au service.
Cj.com. Quels sont les éléments fondamentaux à ne pas négliger lors d’un entretien ?
J. C. L’entretien médical se doit d’être adapté en fonction du public reçu. Par exemple, les mineurs ainsi que les majeurs protégés font l’objet d’un traitement particulier. Il s’agit ainsi de les mettre en confiance, d’utiliser un langage et un vocabulaire adéquat de manière à faciliter la compréhension des actes médicaux que l’on s’apprête à réaliser.
Une bonne compréhension du mécanisme lésionnel est également indispensable. Il s’agit de faire le lien entre ce que l’on voit médicalement et la compatibilité des dires de la personne reçue.
Enfin, il est prépondérant de bien axer l’examen sur ce que l’on voit mais aussi sur le retentissement fonctionnel, considérer la personne dans son ensemble, cela permet de déterminer l’ITT de façon pertinente.
Cj.com. Qu’aimez-vous le plus dans votre métier ?
J. C. Le sentiment d’être utile à une personne, de l’aider dans ses démarches et de lui donner des outils lui permettant de rebondir, de la faire sortir de sa situation de victime.
La confrontation avec les gardés à vue apporte également un côté humain à la procédure et leur offre un regard neutre, de tolérance de la part du médecin qui n’a pas à prendre part dans le dossier. Cela permet également d’appuyer sur le fait que tout mis en cause est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit déclaré coupable par les juges.
Cj.com. Quelles sont les contraintes du métier ?
J. C. Nous traitons beaucoup de dossiers différents et parfois très lourds. L’exposition à un fort taux de violences sous toutes les formes (physiques, psychologiques, sexuelles) nécessite un esprit assez fort et une mise à distance nécessaire pour ne pas se laisser vampiriser par tout ce que nous devons affronter au quotidien.
Une autre difficulté consiste en la rédaction des rapports que nous devons rendre aux commissariats. Ces bilans se doivent d’être à la fois précis, compréhensibles et peu critiquables.
L’enjeu est d’être le plus objectif possible.
Cj.com. Quel message souhaiteriez-vous apporter ?
J. C. La médecine légale est une pierre angulaire de la procédure. Son importance ne doit pas être sous-estimée et le manque de moyens accordés à ce domaine pourrait tendre à fragiliser cette branche indispensable à la procédure, au risque de déboucher sur des jugements biaisés et à l’objectivité limitée.
Les agents de l’UMJ sont les rares acteurs de la procédure pénale à être le plus objectif possible et conservent un regard neutre envers la personne qu’ils reçoivent, qu’elle soit mise en cause ou victime. Il s’agit de retranscrire les éléments médicaux observés de la manière, encore une fois, la plus impartiale possible.
Propos recueillis par Camille BERTHON