La barémisation des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif va-t-elle conduire à une diminution de leur montant lorsqu’il était librement fixé par le juge ?
Muriel Pénicaud. La situation actuelle est injuste car entre deux juridictions, pour une infraction similaire, à salaire égal, ancienneté égale, les écarts entre les dommages et intérêts accordés par les prud’hommes vont de 1 à 5.
La mise en place d’un barème garantit plus de prévisibilité et d’équité en cas de conflit, pour les employeurs comme pour les salariés. Les plafonds ont été fixés en se basant sur la moyenne des dommages et intérêts alloués par les prud’hommes. Par ailleurs, de nouveaux planchers ont été instaurés pour les salariés ayant un an d’ancienneté et pour tous les salariés des très petites entreprises, ce qui n’existait pas auparavant. Les cas graves, comme la discrimination et le harcèlement, sont exclus du barème.
« La situation actuelle est injuste car entre deux juridictions, pour une infraction similaire, à salaire égal, ancienneté égale, les écarts entre les dommages et intérêts accordés par les prud’hommes vont de 1 à 5 »
En outre, nous avons augmenté de 25 % les indemnités légales de licenciement pour tous les salariés, au titre des 10 premières années d’ancienneté. Concrètement, un salarié ayant dix ans d’expérience et qui gagnait en moyenne 2000 euros par mois, verra son indemnité légale passer de 4000 à 5000 euros.
C’est donc une mesure plus juste et plus équitable.
La publicité des accords collectifs permettent-elles la protection des données personnelles et sensibles des entreprises ?
Garantir la protection des données personnelles était un enjeu primordial. Toutes les précautions ont été prises dans le projet de loi ratification des ordonnances : lors de la transmission du dossier de dépôt, le déposant doit, en plus de la version intégrale de l’accord, transmettre une version dite « anonymisée », qui sera celle publiée sur le site de Légifrance.
Par ailleurs, afin d’assurer la protection des données sensibles (commerciales, techniques ou industrielles) figurant dans les accords, les signataires devront supprimer les dispositions sensibles en vue de la publication.
« Les trois prochaines réformes du ministère porteront sur l’apprentissage, la formation professionnelle et l’assurance-chômage »
Les contrats de chantier ne vont-ils pas accroître la précarité des salariés ?
Pour lutter contre la précarité, il faut favoriser le CDI. Or, aujourd’hui, près de 9 embauches sur 10 se font en CDD. Nous avons souhaité laisser aux partenaires sociaux des branches le soin de juger si le contrat de chantier pouvait être une réponse appropriée à ce problème dans leur secteur, afin d’encourager les embauches pérennes. Le contrat de chantier est une solution à la fois originale et éprouvée : il existe depuis de nombreuses années dans le BTP et apporte satisfaction aux salariés comme aux entreprises.
Le contrat de chantier permet au salarié de disposer des mêmes droits et protections qu’un salarié en CDI, notamment en matière de formation, et offre une garantie d’emploi généralement plus longue que la durée maximum d’un CDD.
Pour favoriser les embauches dans certains secteurs d’activité où par natures les projets sont longs mais n’ont pas de terme défini – sinon la fin d’un projet – les ordonnances offrent aux partenaires sociaux des branches la possibilité de se saisir de ce type de contrat. Moins de CDD et plus de CDI, c’est ce que permettra le contrat de chantier si les branches choisissent de le mettre en place, en négociant les modalités et garanties adaptées.
Quels sont les prochains chantiers du ministère afin de favoriser l’embauche des jeunes ?
Les trois prochaines réformes du ministère porteront sur l’apprentissage, la formation professionnelle et l’assurance-chômage.
En ce qui concerne la formation professionnelle, nous devons nous adapter aux métiers de demain : environ 10 % à 20 % des emplois sont menacés de disparition, au moins autant seront créés, et 50 % seront profondément transformés dans les dix ans qui viennent.
Nous avons une lourde responsabilité pour mener à bien une transformation profonde au profit des salariés, des chômeurs et des entreprises. Afin de donner à chacun la liberté de choisir et la capacité de construire son parcours professionnel, protéger les plus vulnérables contre le manque ou l’obsolescence rapide des compétences et vaincre ainsi le chômage, il faut investir massivement dans la formation et les compétences. Cette réforme sera une transformation profonde et pragmatique du système.
« Nous allons proposer un accompagnement renforcé à un million de jeunes en situation de décrochage »
L’apprentissage constitue une voie de réussite et une promesse solide d’insertion professionnelle pour les jeunes et une réalité d’embauche qualifiée pour les employeurs. Sept mois après leur sortie de formation, 70 % des anciens apprentis ont un emploi et la moitié des apprentis sont embauchés dans l’entreprise où ils ont effectué leur apprentissage. Je souhaite la réussite de l’apprentissage à tous les niveaux de qualification. Les jeunes diplômés de l’enseignement secondaire par apprentissage accèdent plus souvent à l’emploi et à l’emploi durable que ceux diplômés de la voie scolaire.
Avec le grand plan d’investissement pour les compétences (PIC) que nous démarrons en 2018, nous allons proposer un accompagnement renforcé à un million de jeunes en situation de décrochage. La Garantie jeunes sera également confortée.
Propos recueillis par Pierre Allemand
Rédacteur en chef
Le Petit Juriste et Carrières-Juridiques.com