Carrières-Juridiques.com : Pourquoi avez-vous choisi d'épouser la profession d'avocat ? Pourquoi vouloir devenir bâtonnier du Barreau de Paris ?
Dominique Attias : Pour ma part la motivation à fait son chemin. J’ai débuté ma vie professionnelle par une carrière dans l’administration judiciaire. J’ai eu un déclic et il m’est paru évident de passer le CAPA. J’ai suivi un processus inverse de beaucoup de mes confrères puisque j’ai débuté en tant qu’avocate d’affaires et j’ai ensuite choisi de devenir avocate militante. Si nous sommes élus, nous voudrons de façon générale être « pour » et cesser d’être « contre », dans une logique humaniste. Nous avons une réelle envie de redonner à nos confrères l’âme qui a fait qu’ils ont eu envie d’être avocat.
Frédéric Sicard : Je suis issu d’une famille qui n’est pas avocate. J’ai cependant grandi en entendant dire que l’avocat était « l’homme de confiance ». Concernant mon engagement au sein de la profession, je suis tombé dans la « marmite ordinale » un peu par hasard et ça a été pour moi une révélation ! J’ai réalisé qu’on avait vraiment la possibilité de faire des choses. L’ordre est une institution de service. Nous pensons que la mission du bâtonnier n’est pas de diriger, mais d’animer. Le bâtonnier est celui qui rend le plus de services, c’est pour cela que la fonction est particulièrement respectée.
C-J.com : Comment souhaitez-vous voir évoluer la formation et que pensez-vous des initiatives menées ces dernières années par Laurent Martinet ?
F.S : Les bâtonniers ont engagé un nouvel épisode de la professionnalisation de l’Ecole. Il faut poursuivre ces efforts. Nous pensons, concernant l’école, qu’il existe deux priorités. Tout d’abord, il est nécessaire d’obtenir un accès avec un examen national pour permettre de réguler le nombre d’avocats. Ensuite, il est plus que nécessaire d’équilibrer le financement de l’école. Parallèlement, je pense qu’il est nécessaire que le bâtonnier ne délègue pas sa fonction de présidence de l’Ecole comme c’est le cas aujourd’hui. La formation est trop importante pour ça. Si nous sommes élus, j’assumerai en tant que bâtonnier, le rôle de président de l’EFB.
C-J.com : Nous savons que Dominique Attias s’est particulièrement intéressée à la question de la place des femmes dans la profession. Quels sont vos objectifs en matière de parité ?
D.A : Comme pour tous, nous nous sommes intéressés à ce qui se fait ailleurs. Nous nous sommes penchés sur ce qu’a fait le barreau de Québec. Les hommes ont pris conscience qu’il était important pour eux aussi d’agir en faveur de la place des femmes dans la profession. Personnellement je vais encore plus loin, je suis favorable à la discrimination positive. Nous en avons assez des scissions Homme/femmes ou même jeunes/vieux. La question de la mixité est un sujet naturel de gestion ordinale, car c’est la loi ! Si nous sommes élus nous prenons l’engagement d’un exécutif paritaire au sein de l’ordre. De façon concrète, nous prévoyons également la mise en place de charte de conduite pour les cabinets. Nous pensons, à l’image du Québec, que cette parité est dans l’intérêt de tout le barreau. Quoi qu’il en soit, le mouvement vers la parité est aujourd’hui en marche. Il sera impossible de l’arrêter.
C-J.com : La profession est aujourd’hui sujette à une représentation multiple entre les ordres et le Conseil National des Barreaux (CNB). Cette situation n’est-elle pas particulièrement préoccupante, à l’heure ou la profession souffre d’un manque de popularité évident ?
F.S : C’est préoccupant. La profession doit s’unir. Nous sommes tous les deux favorables à l’unité et ce, depuis de nombreuses années. Il est vrai que le barreau de Paris est dans une situation particulière, notamment à cause de sa grande diversité. C’est aussi un grand laboratoire d’idées. Nous sommes très attachés au rayonnement du barreau parisien, par contre nous sommes fermement opposés à toute prétention des avocats parisiens vis-à-vis de leurs confrères de province. Je pense néanmoins que la profession a besoin de s’exprimer d’une seule et même voix. Elle a également besoin d’être représentée au niveau européen, nous devons être en lien direct avec la commission.
Il faut cependant comprendre que le CNB est un lieu de compromis. C’est une chose que je connais bien puisque j’ai été secrétaire national du CNB. Je suis bien placé pour savoir que lorsque les ordres et le CNB travaillent ensemble et on finit généralement par trouver des solutions à base de compromis.
C-J.com : Justement, concernant les conflits entre l’ordre et le CNB que pensez-vous de la question du statut d’avocat salarié en entreprise ?
D.A : Il est honteux pour la profession dans son ensemble de donner deux « sons de cloches » au grand public. Concernant la question de l’avocat en entreprise, il est tout d’abord nécessaire de reconnaître les faits : il y a des jeunes qui cessent d’exercer pour rejoindre l’entreprise. Il est nécessaire d’agir sur ce point. Ce que nous reprochons et contestons concernant cette réforme, c’est la méthode. Elle nécessite un vrai travail de concertation, et un travail de comparaison avec ce qui se fait à l’étranger (avec l’Allemagne notamment). Une chose est sure : nous devons donner des perspectives à ces jeunes qui décident de quitter notre profession.
C-J.com: La publicité et la sollicitation personnalisée autorisées par la loi du 17 mars dernier sont-elles à craindre selon vous?
F.S : Tout d’abord nous n’avions pas le choix, c’était une obligation imposée par l’Union Européenne. En matière de publicité, cela ne nous fait absolument pas peur. Certaines études ont pu montrer que la publicité ne rapportait finalement pas de clients à l’avocat. Seule une publicité digne, c’est-à-dire une publicité discrète et tenue est utile à l’avocat. Nous n’avons pas peur en général du numérique, puisque de toutes façons l’avocat a prêté serment d’éthique, et l’ordre a pour mission de lui rappeler ces valeurs.
Propos recueillis par Capucine Coquand