Pourquoi trouvez-vous inopportune la présence des anciens présidents de la République comme membres de droit au sein du Conseil constitutionnel ?
L’article 56 de la Constitution, qui est le droit positif actuel, prévoit, dans son deuxième alinéa, que les anciens Présidents de la République font partie de droit, à vie, du Conseil constitutionnel. Cette disposition n’a cependant pas trouvé à s’appliquer pendant plus de quarante ans, de 1962 à 2004, période pendant laquelle aucun ancien Président de la République n’a siégé au Conseil. En ce moment, elle ne s’applique dans les faits qu’à une seule éminente personnalité, Valéry Giscard d’Estaing, depuis que Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont décidé, pour des raisons différentes, de ne plus siéger au Conseil.
Pour prendre une comparaison internationale,
imagine-t-on la Cour suprême des Etats-Unis dans laquelle siégeraient, outre ses neuf juges,
à la fois et en plus Jimmy Carter, Bill Clinton, M. Bush père, M. Bush fils, et maintenant Barack Obama ?
Au-delà de ses traductions concrètes, c’est le principe même de cette disposition que beaucoup contestent. Elle trouve son fondement pratique dans la volonté, en 1958, d’assurer une retraite financièrement convenable aux deux anciens Présidents de la IVe République, Vincent Auriol et René Coty. Les données matérielles concernant les Présidents ayant évolué et surtout les missions juridictionnelles du Conseil s’étant considérablement renforcées, cette situation constitue aujourd’hui ce que beaucoup qualifient d’anomalie juridico-institutionnelle. Pour prendre une comparaison internationale, imagine-t-on la Cour suprême des Etats-Unis dans laquelle siégeraient, outre ses neuf juges, à la fois et en plus Jimmy Carter, Bill Clinton, M. Bush père, M. Bush fils, et maintenant Barack Obama ? Depuis quelques années, plusieurs rapports ont proposé de supprimer cette disposition. Un projet de loi constitutionnelle a été adopté en Conseil des ministres en mars 2013. Pour autant, cette réforme – qui correspond à une demande ancienne et récurrente de la « doctrine » – n’a pas encore abouti. Le changement de règle ne peut revenir qu’au constituant. Certes moins décisive que la QPC quant au fonctionnement du Conseil, elle n’en constituerait pas moins une contribution supplémentaire à sa légitimité.
Le législateur a opté, pour la présidentielle 2017, pour une transmission des parrainages par voie postale ainsi que la publication intégrale et en continu de ces derniers. Pourquoi un tel changement ?
Deux évolutions importantes ont en effet été décidées par la loi organique du 25 avril 2016 sur la modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle.
Désormais, le Conseil constitutionnel publie au fur et à mesure
la liste intégrale des parrainages vérifiés et validés.
La première évolution concerne la transmission des parrainages. Lors des élections précédentes, un candidat ou son équipe pouvaient déposer directement leurs parrainages au Conseil constitutionnel. Dorénavant, tous les formulaires de parrainage dûment remplis doivent nous être adressés par voie postale par les élus habilités à parrainer – ils sont environ 42 000 –, à l’aide de l’enveloppe officielle transmise par les services de l’État. La seconde évolution concerne la publication des parrainages. Lors des élections présidentielles précédentes, aucune publication n’avait lieu pendant la période de recueil des « signatures », et seuls 500 noms tirés au sort parmi les parrains des candidats officiellement qualifiés étaient publiés, ceci à la fin de la période. Désormais, le Conseil constitutionnel publie au fur et à mesure la liste intégrale des parrainages vérifiés et validés par nous. Cette publication a lieu sur notre site Internet deux fois par semaine. L'idée qui a inspiré cette novation est que parrainer un candidat à l’élection présidentielle constitue un acte important, qui doit faire l'objet de transparence.
Craignez-vous une cyber-attaque à l’occasion de la présidentielle 2017 ?
En vertu de l’article 58 de la Constitution, le Conseil constitutionnel est chargé de veiller à la régularité de l’élection présidentielle. Compte tenu du contexte, et notamment des événements observés lors de l’élection présidentielle aux Etats-Unis en 2016, nous devons être extrêmement vigilants concernant les risques d’attaques informatiques. S’agissant par exemple du site « Présidentielle 2017 » du Conseil constitutionnel, sur lequel nous publions la liste des parrainages validés, nous avons pris le maximum de précautions afin d’éviter les risques de cette nature. Nous avons également pris l’attache des services de l’État compétents sur ces questions – en particulier le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) – afin de nous assurer que les dispositions nécessaires étaient prises concernant à la fois la campagne électorale et les opérations de vote. La Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, présidée par le Vice-président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé, s’est également penchée sur cette question : elle peut être saisie par tout candidat estimant être l’objet d’une cyber-attaque susceptible d’entraver significativement le déroulement de sa campagne. La vigilance est donc forte sur ce sujet devenu majeur.
La Ve République a connu des moments de faiblesse. Une VIe République serait-elle une solution envisageable ?
Retrouvez l'intégralité de l'article dans le dernier numéro du Petit Juriste, spécial Élection présidentielle 2017
Propos recueillis par
Pierre Allemand
@Pierre_Ald