Initié par l’ancienne ministre de la justice Christiane Taubira, le projet de loi pour une justice du 21ème siècle a été repris par l’actuel garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas. Focus sur ce texte destiné à restructurer le service public de la justice.
[Retrouvez le dossier complet J21 sur le site du Petit Juriste ici]
1/ En quoi la justice du 21ème siècle sera-t-elle plus accessible, plus efficace et plus simple ?
Elle le sera, grâce à plusieurs mesures très concrètes. Par exemple, un service d'accueil unique du justiciable est en cours de généralisation dans tous les conseils de prud'hommes, tribunaux d'instance et de grande instance, d’ici le 31 décembre 2017.
Je pense aussi au portail « justice.fr », grâce auquel le justiciable connaîtra mieux ses droits et s’informera des démarches à suivre. Le site va évoluer en 2017 pour permettre à chacun de suivre en ligne le déroulement de son affaire.
L’efficacité, c’est aussi la simplification de l’organisation judiciaire, c’est le but des mesures de mutualisation pour mieux rationnaliser son action. La loi de modernisation de la Justice du XXIe siècle promulguée le 18 novembre recentre le juge sur ses missions juridictionnelles. C’est ainsi que le PACS sera demain célébré en mairie ou encore que les plans de surendettement seront applicables sans homologation du juge.
2/ La suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, mesure phare de cette loi, redonnera-t-elle sa place au principe de primauté de l’éducatif tel que résultant de l’ordonnance du 2 février 1945 ?
En supprimant le tribunal correctionnel pour mineurs, pour redonner toute sa compétence au tribunal pour enfants, l’objectif premier n’était pas le principe de primauté de l’éducatif, mais la spécialisation de la justice des mineurs. Quand cette juridiction a été inventée, en 2011, son but était la sévérité des peines, mais l’expérience a montré que ce n’était pas le cas : les TCM n’ont pas prononcé plus de décisions d'emprisonnement ferme (70% en 2014) que les TPE pour des faits similaires (72%).
La spécialisation, à laquelle nous revenons, garantit que les peines soient individualisées, qu’elles soient prononcées au regard d’un parcours de mineur, adaptées à son âge et à sa problématique personnelle et familiale. Ainsi, elles sont mieux comprises et contribuent plus efficacement à la prévention de la récidive.
Alors, en ce sens, oui, cette réforme contribue aussi à la nécessité de rechercher le relèvement éducatif des enfants délinquants.
3/ Autre symbole de la loi, il est désormais possible pour les époux de divorcer sans passer devant un juge dès lors qu’ils s’entendent sur le principe du divorce et ses conséquences. L’équilibre des parties sera-t-il garanti malgré l’absence du Juge aux affaires familiales tout au long de la procédure ?
Rappelons qu’avant cette réforme, dans 99 % des cas, le juge homologuait la convention qui avait été préparée par le ou les avocats et les époux, et ce, sans pratiquement aucune intervention de sa part.
Désormais, l’équilibre entre les deux époux qui veulent se séparer, est non seulement préservé, mais aussi renforcé. Chaque conjoint doit avoir son propre avocat ; ce qui est une mesure plus protectrice, puisque l’avocat ne défendra que les seuls intérêts de son client et non ceux de son conjoint.
Par ailleurs, l’enfant mineur capable de discernement doit être informé par les époux de son droit à être entendu par le juge, dès lors qu’il en fait la demande. Dans ce cas, les avocats doivent saisir le tribunal dans les mêmes formes que précédemment, de sorte que le juge peut toujours garantir que le divorce respecte bien les intérêts de ce dernier.
Dans un contexte où la plupart des systèmes judiciaires européens réduit les implantations géographiques et les entités juridiques, la France fait figure d’exception avec une augmentation du nombre de tribunaux.
Grâce à cette réforme, les juges pourront se consacrer aux divorces conflictuels, dont les délais de traitement ont augmenté ces dernières années, dépassant trois ans de procédure avant même tout appel dans certaines juridictions. Ils en reviennent ainsi à leur cœur de métier : trancher les contentieux, dans le respect du droit.
4/ Pensez-vous que le fonctionnement de la justice française est satisfaisant ?
La meilleure manière de répondre avec objectivité à votre question est de reprendre les conclusions du dernier rapport de la Commission Européenne pour l’efficacité de la Justice, qui s’appuie sur des comparaisons avec les autres pays européens. Nos points forts sont l’aide judiciaire et l’accès à la Justice. Avec le Luxembourg, la France reste le seul pays du Conseil de l’Europe à ne pas exiger de taxe pour introduire une action en justice en première instance. Cette exception française de la gratuité de l’accès à la justice, a été renforcée par la suppression en 2014 du droit de timbre de 35€, qui avait été instauré en 2011.
De plus, dans un contexte où la plupart des systèmes judiciaires européens réduit les implantations géographiques et les entités juridiques, la France fait figure d’exception avec une augmentation du nombre de tribunaux.
Enfin, le budget de la Justice est en constante augmentation : en 2012, avec 62 €, la France se situait en-dessous de la moyenne européenne (65€) quant à l’effort budgétaire par habitant. En 2014, avec 64 €, elle se trouve désormais au-dessus de la moyenne européenne (60€).
Pour soulager les professionnels et réduire encore les délais pour les justiciables, il faut poursuivre les recrutements dans les juridictions judiciaires et administratives et augmenter les crédits de fonctionnement de la Justice. C’est ce que prévoit la loi de finance de 2017.
Propos recueillis par Pierre Allemand @Pierre_Ald, Rédacteur en chef du Petit Juriste