Elizabeth Menesguen. « Les jeunes avocats doivent s'approprier les territoires désertés »

Elizabeth Menesguen. « Les jeunes avocats doivent s'approprier les territoires désertés »

Le CNB est « chargé de définir les principes d’organisation de la formation et d’en harmoniser les programmes ». Il coordonne et contrôle les actions des différents centres régionaux de formation professionnelle. C’est en tant que présidente de la Commission Formation du CNB, qu’Elizabeth Menesguen, ancien bâtonnier du Val-de-Marne, a accepté de nous éclairer à propos de l’insertion professionnelle des jeunes avocats. 

 

Retrouvez l'enquête "Allo maman bobo je suis avocat : les 10 propositions pour l'insertion professionnelle des jeunes avocats"

Carrières-Juridiques.com. Quelles difficultés les jeunes avocats ont-ils pour trouver une première collaboration ?

 

Elisabeth Menesguen.  J'inclinerais à répondre : "les mêmes que celles que rencontre quiconque qui cherche à entrer pour la première fois dans le monde du travail…" Mais ce serait aller vite en besogne. En vérité, ces difficultés sont gommées pour partie par l'existence du stage de six mois en cabinet d'avocat qui clôt le cursus de l'élève-avocat. Il advient fréquemment que ce stage débouche sur une collaboration. Mais la situation économique actuelle caractérisée par une absence de croissance impacte la profession d'avocat, comme elle impacte les autres professions libérales. De nombreux cabinets rencontrent des difficultés qui les dissuadent de se doter d'un collaborateur encore inexpérimenté. Par ailleurs nous savons que les ordres veillent aujourd'hui plus qu'hier à la protection et la défense des droits du jeune collaborateur. Je pense ici à la fixation par les conseils de l'ordre d'un montant minimum de rétrocession d'honoraires pendant les deux premières années de collaboration ou encore à l'instauration de congés parentaux…Force est d'avouer que ce contrôle, pourtant heureux, constitue parfois un frein à l'embauche.

 

Trouver une première collaboration n'est pas toujours aisé. Mais les difficultés proviennent aussi parfois des exigences des nouveaux arrivants dans la profession. Je ne parle pas ici d'exigences financières mais d'exigences en matière de spécialisation. Certains jeunes avocats ont pu découvrir un appétit particulier pour tel et tel domaine du droit et axent tout naturellement leurs recherches vers des cabinets spécialisés. Cela peut parfois faire obstacle à la recherche fructueuse d'une première collaboration. Il faut que ces jeunes confrères ouvrent les yeux sur tout ce qui leur est offert. Ce métier est fait de rencontres et d'opportunités parfois déterminantes pour un avenir professionnel.

 

C-J.com. Existe-t-il des inégalités entre Paris et la province sur ce point ?

 

E. M. Bien sûr. L'EFB, déverse chaque année sur le marché parisien environ 1800 jeunes avocats soit plus de la moitié des jeunes avocats de France, qui tous ambitionnent de s'inscrire au barreau de Paris lequel peut difficilement les absorber tous.

 

Pendant ce temps, la province est en quête d'avocats. Certaines régions ne comptent qu'une quinzaine d'avocats pour 100.000 habitants. Notamment les région Centre, de la Basse Normandie, de la Lorraine ou encore de la Champagne-Ardennes et de la Franche Comté… Il n'y a pas trop d'avocats en France, il y en a sûrement trop à Paris. Or le besoin de droit est partout, les jeunes avocats doivent s’approprier les territoires désertés.

 

C-J.com. Une réforme de la formation permettrait-elle de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes avocats et comment ?

 

E. M. Cette réforme est largement entreprise ! La décision à caractère normatif d'harmonisation des programmes de la formation initiale en vue d'une professionnalisation adoptée par le Conseil National des Barreaux le 12 décembre 2014 est indubitablement de nature à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes avocats. Fini l'enseignement de type universitaire dans les écoles d'avocats. Place à l'acquisition de réflexes et d'un savoir-faire pratique : rédaction d'actes judiciaires et juridiques, consultations, expression orale, gestion de cabinet et bien entendu déontologie, le tout par la méthode de "l'atelier".


Les écoles d'avocats deviennent enfin ce qu'elles auraient toujours dû être : des centres de formation professionnelle distribuant à la fin du cursus un CAP.Les jeunes avocats seront donc désormais détenteurs d'une véritable boîte à outils qui devrait leur permettra d'exercer leur métier en tout lieu et en tout domaine.

 


Propos recueillis par Capucine Coquand

@CapucineCoquand